La campagne de blé tendre a été exceptionnelle, avec des rendements proches des records.
Un automne-hiver doux : des conditions favorables au développement des cultures
La campagne 2014-2015 a été marquée par un automne doux et une pluviométrie moyenne.
Figure 1 : Cumul des pluies entre le 01/10/14 et le 10/01/15 – Station météo de Fagnières (51) – INRA
Ces conditions ont permis une bonne levée des cultures.
Les températures douces engendrent une avancée rapide des stades (au 10 janvier, nous avions 10 jours d’avance sur les prévisions du stade épi 1 cm), qui sont ensuite ralentis par les températures fraîches de fin janvier jusque fin mars. Ainsi, le stade épi 1 cm en 2015 est apparu en moyenne sur l’ensemble de la région entre le 25 et le 30 mars, ce qui reste proche de la médiane (01/04).
Ces conditions optimales à la levée et lors de l’installation des cultures se poursuivant pendant tout l’automne-hiver, les peuplements au stade épi 1 cm montraient une très bonne densité de végétation, entre 900 et 1200 tiges à plus de 3 feuilles par m². En d’autres termes, le nombre d’épis potentiels/m² était non limitant à ce stade.
Une montaison sans stress grâce à des conditions optimales
La durée de montaison est globalement dans la moyenne pluriannuelle, de l’ordre de 51 jours entre le stade épi 1 cm (date moyenne 25-30 mars) et l’épiaison (date moyenne 10 mai). La montaison aurait pu souffrir du manque d’eau sur cette période, mais les fortes réserves hydriques du secteur crayeux et les pluies conséquentes enregistrées sur des secteurs plus superficiels n’ont pas eu de fortes conséquences sur la montaison. Dans certains secteurs très séchants (type barrois), le déficit hydrique a pu être très ponctuel. Par ailleurs, le rayonnement correct voire excellent selon les secteurs à cette période augurait d’une belle fertilité et d’une création record de biomasse (globalement corrélée au rendement).
Figure 2 : Rayonnement cumulé par décade (cal/m²) – Station météo de Fagnières (51) – INRA
Au final, le nombre d’épis/m² est satisfaisant et se situe pour la plupart des parcelles entre 450 et 700 épis/m². Dans les secteurs les plus séchants, une régression de tiges non négligeable a été observée, probablement liée à des problématiques d’alimentation hydrique et azotée.
Figure 3 : Nombre d’épis/m² en 2015 pour les cultures de blé tendre
Une valorisation aléatoire des apports d’azote liée aux conditions climatiques de ce printemps
Sur la période fin mars – fin juin, la Champagne crayeuse a globalement été peu arrosée (trois « épisodes » pluvieux fin mars, début mai et début juin), tandis que les barrois et le nord de la région ont reçu davantage de pluie tout au long du printemps, de manière plus régulière et plus conséquente.
Figure 4 : Pluviométrie cumulée du 24 mars au 30 juin 2015
Selon le positionnement du second et du troisième apport d’azote par rapport aux pluies de ce printemps, la valorisation de l’azote a pu être aléatoire.
En effet, si l’apport à épi 1 cm a été fortement anticipé de 2 ou 3 semaines (second apport au 10/03), les pertes par volatilisation liées à l’absence de pluie dans les 15 jours suivants ont pu s’élever à 20 voire 25 %. En revanche, si l’apport a été anticipé d’une semaine seulement, il a été globalement bien valorisé suite au retour des pluies fin mars. Pour le troisième apport, les conditions étaient plus ou moins humides selon la date de positionnement et l’apparition du stade dernière feuille.
Par ailleurs, les rendements et même les taux de protéines sont cette année corrélés à 80 % aux conditions d’alimentation azotée au moment de la floraison : sur les essais ARVALIS, les rendements et le taux de protéines sont corrects voire excellent lorsque l’indice de nutrition azotée est proche de l’optimum à floraison. En revanche, un indice de nutrition azotée en dessous de l’optimum s’en ressent sur les rendements et les taux de protéines (sous fertilisation, problèmes de valorisation des apports…).
Une campagne dominée par la rouille jaune (sur certaines variétés), la septoriose reléguée au second plan, des symptômes stoppés par le sec
Cet automne-hiver doux était propice à un inoculum maladie important. Ainsi, les risques rouille jaune et septoriose étaient bien présents en sortie hiver.
Bien qu’elle ait été moins précoce et moins spectaculaire qu’en 2014, la rouille jaune était encore bien présente dans la plaine cette année et a touché un grand nombre de variétés, sensibles ou moins sensibles. Dans certains secteurs, elle était signalée dès le mois de mars.
La septoriose est arrivée un peu plus tardivement que les années passées, excepté dans certains secteurs davantage arrosés en début de printemps. Les alternances pluies – 15 jours secs n’ont pas favorisé le développement de la maladie. Une forte augmentation des symptômes sur les trois derniers étages foliaires est apparue fin mai (épiaison), suite aux pluies contaminantes du début du mois. Cependant, la septoriose a cette année été globalement bien maîtrisée.
La nuisibilité finale rouille jaune + septoriose se situe dans la moyenne, et reste globalement faible compte tenu des excellents rendements de cette année.
Un remplissage correct, malgré des conditions échaudantes en fin de cycle
Figure 6 : Conditions de remplissage des blés tendres d’hiver selon leur précocité – températures maximales journalières enregistrées entre le 20 mai et le 9 juillet
Selon la précocité variétale, les conditions climatiques en début de remplissage étaient favorables : déficit hydrique non marqué jusque début juin, températures non échaudantes, rayonnement excellent.
En revanche, les températures ont augmenté dès le 25 juin, pendant la période grain laiteux-grain pâteux. S’en suivent plus de 10 jours échaudants (températures supérieures à 25°C voire 30-35°C pendant une semaine). La fin de cycle échaudante a davantage été pénalisante pour les variétés tardives (jusque 17 jours d’échaudage).
Ainsi, la cinétique de remplissage était excellente lors de sa première phase, mais diminue en fin de remplissage. On estime la perte de PMG liée à ces conditions stressantes de fin de cycle à 4-5 g, équivalent à environ 10 quintaux/ha. Les rendements et les PMG restent néanmoins corrects voire excellents selon les secteurs.
Des rendements 2015 proches des records, avec une qualité assez satisfaisante
La moisson s’est faite rapidement et dans de bonnes conditions cette année. Les agriculteurs sont globalement satisfaits de leur récolte. Comme chaque année, il y a de l’hétérogénéité dans les rendements, liée à la localisation des pluies, du type de sol …
Que ce soit en sol crayeux ou en sol plus superficiel du type argilo-limoneux ou argilo-calcaire, les rendements sont proches des records, avec une quasi absence de facteurs pouvant impacter la production. La moyenne est en effet proche de 100 q/ha pour la Champagne crayeuse et avoisine les 73 q/ha dans le Barrois. Les rendements sont hétérogènes selon les secteurs, mais sont compris entre 45 q/ha pour les plus petites terres et 120 q/ha, avec une moyenne sur toute la région d’environ 90 q/ha.
Figure 7 : Evolution des rendements en Champagne-Ardenne
Ces rendements record sont en partie liés à la très bonne fertilité (nombre d’épis et nombre de grains dans les épis) acquise au cours du printemps. Certaines parcelles décrochent (même en Champagne crayeuse), probablement lié aux mauvaises conditions d’alimentation hydrique et azotée.
Figure 8 : Relation entre le rendement et le nombre de grain/m² à la récolte
Seul bémol à cette campagne exceptionnelle : les taux de protéines sont décevants avec une moyenne de 10,6 % (min 8,5 % – max 12 %). Plusieurs hypothèses peuvent être avancées : dilution de l’azote par rapports aux rendements élevés, valorisation limitée des apports d’azote liée aux conditions climatiques, doses d’azote insuffisante…
Les poids spécifiques sont néanmoins très bons avec en moyenne 79 kg/hl, et le temps de chute de Hagberg très correct, grâce à une récolte réalisée dans le sec.
Alexis DECARRIER, Mélanie FRANCHE, Philippe HAUPRICH (ARVALIS – Institut du végétal)