Avec des rendements records accompagnés d’une qualité satisfaisante, la récolte 2015 de blé dans la région est exceptionnelle. Retour sur le scénario climatique et physiologique qui a conduit à ce résultat.
Des implantations en bonnes conditions avec un bon enracinement
Les semis ont commencé tôt, fin septembre / début octobre dans de bonnes conditions ce qui a permis un démarrage rapide des cultures et un très bon enracinement à la différence des 2 dernières années. Au 25 octobre, 80 % des semis étaient réalisés. Les semis les plus tardifs ont été réalisés fin novembre / début décembre et ont donc été assez groupés cette année.
Automne doux et début d’hiver frais : des conditions favorables au développement des cultures
Alors que l’automne et le début de l’hiver ont été marqués par des températures relativement douces, le froid s’est accentué en janvier et février. L’année, précoce en sortie d’hiver, est finalement restée dans la médiane. Le stade épi 1 cm en 2015 est apparu en moyenne sur l’ensemble du Nord-Picardie au 30 mars, proche de la médiane (dès le 20 mars pour les plus précoces à jusqu’à mi-avril pour les plus tardifs).
Tableau 1 : Date de réalisation du stade épi 1 cm et épiaison (Synthèse régionale Nord-Pas-de-Calais / Picardie)
Les conditions douces et humides à la levée et lors de l’installation des cultures ont permis un bon développement des cultures avec un fort tallage. Les peuplements au stade épi 1 cm montraient une forte densité de végétation autour de 800 tiges/m².
Une montaison assez sèche pour une montée à épi dans la moyenne haute
La durée de montaison a été relativement longue avec 54 jours entre le stade épi 1 cm et le stade épiaison (contre 52 jours en moyenne).
La période sèche du 1er au 20 avril n’a finalement eu que peu de conséquences négatives grâce au retour des pluies fin avril – début mai. Les régressions de talles ont même été bénéfiques puisqu’elles ont permis d’abaisser le peuplement qui était très (trop ?) élevé, ce qui a conduit par la suite à mieux supporter le stress hydrique de fin de cycle.
Au final, le nombre d’épis/m² s’est avéré légèrement supérieur à la moyenne avec 570 épis/m², soit 30 épis/m² de plus par rapport à la moyenne pluriannuelle.
Tableau 2 : Nombre d’épis/m² (Synthèse régionale)
Une bonne valorisation de l’azote au printemps avec une certaine hétérogénéité
Cette année, les conditions climatiques ont été globalement favorables à une bonne valorisation de l’azote, avec toutefois une certaine hétérogénéité. Les deuxièmes apports d’azote ont été réalisés entre fin mars et début avril et ont été globalement bien valorisés avec 15 mm de pluies dans les 15 jours, excepté pour quelques apports plus tardifs d’avril. En effet, après le 3 avril, les conditions climatiques sèches et venteuses ont été moins favorables, en particulier pour la solution liquide plus sensible à la volatilisation. Les premières analyses d’essais ont fait état d’écarts marqués entre formes liquides et solides cette année (rendement et surtout protéines).
Figure 1 : Pluviométrie et valorisation de l’azote au printemps
Au final, il y a eu cette année une très forte absorption d’azote au stade épi 1 cm et jusqu’au stade dernière feuille pour ensuite ralentir jusqu’au stade floraison. L’indice de nutrition azoté est toujours resté supérieur à la trajectoire optimale, ce qui explique que malgré les rendements records, les teneurs en protéines ne sont pas si faibles que cela.
Très bon rayonnement, bonne fertilité épi
La montaison s’est passée dans de bonnes conditions avec des températures assez douces (pas de crainte pendant la méïose, avec des températures supérieures à 4°C) accompagnées d’un très bon rayonnement, deux facteurs favorables à une bonne fertilité d’épis. Au final, le nombre de grains/épi moyen était de 41 (+2 % par rapport à la moyenne), ce qui est très satisfaisant vis-à-vis du nombre d’épis/m² déjà supérieur à la moyenne.
Le potentiel de rendement permis à floraison était donc très satisfaisant avec un nombre de grains/m² supérieur de 8,5 % par rapport à la moyenne pluriannuelle.
Il restait alors le remplissage des grains et l’impact de la pression maladie pour déterminer le rendement final.
Tableau 3 : Nombre de grains/épi (Synthèse régionale)
Tableau 4 : Nombre de grains/m² (Synthèse régionale)
Rendements record en 2015 accompagnés de qualité satisfaisante
La moisson a été rapide et relativement homogène, et les rendements sont élevés et même records. Beaucoup de producteurs ont en effet réalisé la meilleure récolte de leur carrière. Ceci est à mettre au crédit des très bons enracinements, des végétations pas trop denses et des maladies stoppées par le sec en juin. Le progrès génétique est toujours important avec des variétés de plus en plus résistantes aux stress hydriques de fin de cycle.
La moyenne des rendements du blé pour la Picardie avoisine les 95 q/ha, (96 q/ha pour la Somme, l’Aisne 95 q/ha et l’Oise 94 q/ha) et 98 q/ha pour le Nord — Pas-de-Calais. Les rendements des orges sont exceptionnels avec une moyenne dépassant fréquemment les 90 q/ha.
La qualité est également satisfaisante avec d’excellents PS (entre 77-82 kg/hl pour la plupart des situations, pas de mycotoxines, d’excellents temps de chute d’Hagberg et des teneurs en protéines en général correctes bien qu’irrégulières. La moyenne se situe autour de 11 % (10,5 % et 11,5 %) avec toutefois certaines parcelles décevantes (effet dilution par rapport aux rendements élevés, mauvais transfert de l’azote vers les grains …). Notons toutefois que par rapport aux rendements très élevés de cette année, l’azote absorbé des grains n’aura jamais été aussi élevé !
PIERRE BIMONT, Anne-Sophie COLART, Thierry DENIS, Elodie GAGLIARDI (ARVALIS – Institut du végétal)