Par rapport à 2003, la vague de chaleur arrive cette année sur des maïs parfois en pleine floraison. Retour sur les risques potentiels.
Les conditions météo actuelles sont exceptionnelles par le niveau des températures maximales (40°C sur plusieurs régions), par la durée du phénomène sur plusieurs jours et par la précocité de l’événement.
Un pic thermique trèsinhabituel à cette période
L’analyse de l’historique des données de quelques stations sur les 20 dernières années, ainsi que sur 1976 et 1990 (autres années connues pour les pics thermiques), montrent bien que 2015 se situe sur une rampe de lancement similaire à 2003, où la première vague de chaleur était arrivée fin juin sur certains secteurs : pour Mont-de-Marsan, par exemple, nous avions déjà été confrontés en 2003 à des températures autour de 40°C à des stades précoces de développement (figure 1). Mais c’était surtout en août que la canicule avait sévit.
En 2015, le phénomène est précoce et plus globalisé, comme on peut le voir par exemple sur la station de Clermont-Ferrand. Le maïs n’est donc pas touché par le stress thermique au même stade de développement.
Figure 1 : Température maximales journalières au-dessus de 36°Cc (pour 2015, données et prévisions jusqu’au 7 juillet)
En 2015, les semis de mi-avril se trouvent donc exposés à un stress thermique en phase de floraison. Les effets négatifs d’un pic thermique sur l’étape clef de la fécondation, et par conséquent sur le nombre de grains, sont bien connus. L’application de températures élevées (36 à 40°C) sur la panicule ou sur les épis, sur la plante ou in vitro, a permis de montrer que cela pénalise différentes structures : l’ovule, les grains de pollen, les tubes polliniques.
Les ovules peuvent perdre la capacité à être fécondés
Au niveau de l’épi, le nombre de rangs est déterminé de façon précoce, vers 10 – 12 feuilles ; pour les semis d’avril et début mai, cette composante est donc déjà bien établie. Le nombre de couronnes qui évolue jusqu’à la floraison pourrait être affecté si le développement de la plante est trop pénalisé, en particulier par un stress hydrique associé.
Les ovules eux-mêmes sont sensibles au stress chaud. L’application de températures élevées (36 – 40°C) sur les épis uniquement, suivi d’une pollinisation par du pollen non stressé, montre des pertes plus ou moins importantes dans les taux de fécondation.
La viabilité du pollen émis baisse lorsque la température augmente et que l’humidité de l’air diminue
La viabilité du pollen peut être définie par sa capacité à germer sur les soies ou in vitro, sur un milieu de composition définie. Pour certaines conditions, les grains de pollen peuvent subir des dommages et perdre la capacité à émettre un tube pollinique.
Une expérimentation conduite sur hybrides, en conditions contrôlées pour simuler deux jours consécutifs de canicule, montre une réduction rapide de la viabilité du pollen au cours de la journée. Le profil de perte de viabilité est similaire pour les deux jours. Le stress d’une journée ne semble pas influencer la viabilité du jour suivant.
On sait qu’une proportion importante de pollen est émise dans la matinée, avant le pic thermique, ce qui peut limiter partiellement l’impact. Sur hybrides et maïs doux, le fait d’avoir une production importante de pollen peut gommer en partie la perte de viabilité. Mais la phase suivante se trouve exposée au stress.
Les tubes polliniques sont sensibles aux fortes températures
Les grains de pollen émis tombent sur les soies, germent et émettent un tube pollinique qui va atteindre l’ovule. Le stress thermique peut perturber cette étape clef.
Cette phase est essentielle à la réussite de la fécondation et se déroule en général sur une période de l’ordre de 24 heures. Plusieurs grains de pollen peuvent germer sur une même soie ce qui augmente les chances de fécondation, mais cela peut ne pas être suffisant.
Avant la floraison, le développement de la panicule peut être affecté
Dans la période qui précède la floraison, lorsque la panicule est en plein développement et que les grains de pollen sont en cours de formation, un stress thermique peut provoquer des dégâts au niveau des anthères.
A la floraison cela peut se traduire par un blocage total ou partiel de la sortie des anthères hors de glumes. L’émission de pollen est alors fortement pénalisée. Ce phénomène a été clairement identifié sur des lignées mâles de maïs semences. Sur hybrides, le pollen n’est en général pas un facteur limitant, mais la présence éventuelle de ce phénomène sera à vérifier.
Des parcelles avec les feuilles enroulées
Le phénomène d’enroulement des feuilles dans les productions est fréquemment observé lorsque la disponibilité en eau est, ou devient limitante. Il pourrait être amplifié par les pics thermiques.
Cela est assez spectaculaire, mais constitue une protection pour la plantes. A ce jour, le phénomène n’est pas irréversible. Sous l’effet d’une augmentation de la production d’une hormone végétale, l’acide abscissique (ABA), les stomates se ferment, ce qui permet de limiter l’évaporation. Toutefois, l’activité photosynthétique se trouve alors réduite. Si le stress persiste, le potentiel pourra alors bien sûr être affecté.
L’impact des températures élevées est moindre sur les cultures irriguées
L’irrigation, en permettant d’abaisser la température du couvert et en assurant un niveau de satisfaction en eau optimal pour la plante, est bien sûr bénéfique. La plante peut conserver son fonctionnement à des températures supérieures. Elle permet également de maintenir un certain niveau d’hygrométrie de l’air et donc de limiter l’impact des températures élevées.
Brigitte ESCALE, Laurent MAUNAS (ARVALIS – Institut du végétal)