Les scutigérelles sont des mille-pattes qui s’attaquent aux racines des cultures à faible densité comme le maïs. Comment les identifier et les contrôler ?
Présente principalement dans le sud de l’Aquitaine, le Gers et plus localement en Bretagne et dans le Centre / Bassin Parisien, la scutigérelle (Scutigerella immaculata) est un insecte appartenant à la famille des myriapodes (mille-pattes).
L’adulte et la larve sont similaires : blanchâtres et translucides, ils possèdent de longues antennes et un nombre de paires de pattes important (12 paires pour l’adulte et au moins 6 pour la larve). L’adulte semble avoir une grande longévité, estimée à environ 4 années.
Un insecte souterrain très polyphage
Cet insecte fuit la lumière ; il vit donc uniquement dans le sol et s’y déplace par le biais de fissures, cavités et galeries de vers de terre. Il est capable de migrer verticalement dans le sol, entre la surface et une profondeur pouvant atteindre jusqu’à 1 m. Ces migrations dépendent essentiellement de la porosité du sol mais aussi de ses conditions de température et d’humidité. Quand le sol est humide et chaud en surface, les populations de scutigérelles ont tendance à se concentrer dans les 15 premiers centimètres du sol. C’est donc aux mois de mai et de juin que les conditions leurs sont le plus propices et qu’elles sont le plus présentes en surface. Les scutigérelles sont toutefois observables dans la zone superficielle du sol de mars à novembre.
A noter que les cas de migrations horizontales sont plus rares pour cet insecte, qui reste le plus souvent inféodé localement à sa parcelle.
La scutigérelle se nourrit de mousses et de champignons, mais aussi de graines et de racines. Elle mange notamment les racines les plus jeunes par leurs extrémités et attaque les racines plus âgées en grignotant leurs poils absorbants. Les populations de scutigérelles peuvent s’attaquer à de nombreuses cultures et causent fréquemment des dégâts en serres et en parcelles maraîchères. En grandes cultures, elles s’attaquent préférentiellement aux cultures implantées à faible densité comme le maïs, la betterave et la pomme de terre.
Les symptômes apparaissent par foyer
Les dégâts de scutigérelles sont répartis par foyers, parfois orientés dans le sens de travail du sol. Leurs attaques peuvent grandement impacter le rendement par des phénomènes de manque à la levée, d’absence d’épis ou de mauvais remplissage des grains suivant la période où elles agissent. Les attaques peuvent survenir toute l’année mais c’est surtout entre le semis et le stade 8-10 feuilles que leurs dégâts peuvent avoir le plus d’impact sur le rendement.
Les symptômes liés à une attaque de scutigérelles sont les suivants :
– les radicelles sont rongées voire totalement consommées,
– des pieds peuvent disparaître, notamment en cas d’attaques importantes à un stade précoce,
– plus généralement, les plantes sont chétives et prennent une couleur violacée du fait de l’apparition de carences induites et de l’augmentation du déficit hydrique liées à un manque de chevelu racinaire.
Symptômes liés aux attaques de scutigérelles (de gauche à droite) : développement anormal des racines, levées hétérogènes du maïs et disparition de certains pieds, des pieds plus chétifs côtoient des pieds sains.
Attention aux confusions possibles
Ne pas confondre les symptômes liés à des attaques de scutigérelles avec des carences en phosphore. Dans ce cas, le système racinaire est réduit mais aucun signe de grignotement n’est visible.
De même, ils ne doivent pas être confondus avec des attaques de nématodes, responsables de nécroses visibles sur les racines. En cas de doute, les scutigérelles peuvent être recherchées par immersion du bol racinaire et de la terre qui l’entoure dans de l’eau.
Quels sont les facteurs de risque ?
Les sols aérés, soufflés, motteux, ou présentant de nombreuses galeries de vers de terres sont favorables aux attaques de scutigérelles.
Les couverts végétaux peuvent aussi favoriser leur survie en leur fournissant de la nourriture mais aussi en facilitant leurs déplacements (le système racinaire du couvert crée des interstices dans le sol).
En sol nu, les scutigérelles sont aussi capables de survivre en se nourrissant de débris végétaux.
Les dégâts causés par les scutigérelles dépendent aussi de la variété implantée et notamment de sa vigueur au départ. Moins une variété sera vigoureuse au départ (et/ou productive en racines), plus elle aura de chances d’être fortement affectée par une attaque.
Comment assurer une lutte efficace
DES INSECTICIDES AUX EFFICACITES VARIABLES…
Actuellement les produits microgranulés à base de pyréthrinoïdes sont les seuls produits homologués en France présentant une certaine efficacité contre ces ravageurs. Le Spachlor 5G étant toujours en attente d’homologation. Ces produits sont à positionner dans les raies de semis à l’aide d’un diffuseur installé sur le semoir. La qualité de ce positionnement influence grandement les efficacités de ces produits.
Les résultats d’essais montrent que, parmi les différents produits testés, Force 1,5G reste le produit le plus efficace (figures 1 et 2). Mais il ne peut être utilisé qu’un an sur trois. Les produits à base de lambda-cyhalothrine constituent une alternative avec les produits Karaté 0.4GR et Trika Expert. Les nutriments présents dans ce dernier ne semblent pas apporter de plus-value. Les autres produits – Belem et 0.8MG et Fury Géo – ne donnent pas de résultats satisfaisants sur cette cible.
Remarque : Ces produits ont des contraintes d’utilisation importantes (DVP, ZNT…).
Figure 1 : Synthèse de deux essais sur l’efficacité des produits contre les scutigérelles (2014-2015)
Les parcelles traitées présentent de meilleures hauteurs de plantes et rendements que le témoin.
… À COMBINER AVEC DE L’AGRONOMIE
Cependant, pour être vraiment efficaces, ces traitements sont à combiner avec différents leviers techniques pour assurer une prévention efficace. Il est notamment recommandé de :
– semer le maïs tardivement, après le 15 mai,
– privilégier des variétés ayant une bonne vigueur au départ et/ou productives en termes de racines,
– préparer le lit de semences pour éviter de semer sur sol soufflé,
– rappuyer le lit de semences dans des situations de sol non battant et peu caillouteux,
– éviter le maintien de résidus non-dégradés de la culture précédente ou du couvert en surface,
– utiliser un engrais starter localisé pour favoriser une croissance rapide et vigoureuse de la culture.
Figure 2 : Synthèse de deux essais sur la combinaison de méthodes de lutte contre les scutigérelles (Aubagnan, 2009-2010-2011) :
La modalité combinant un traitement du sol à la téfluthrine, l’utilisation d’un engrais starter et le rappuyage de la bande de semis donne les hauteurs de plantes et les rendements les plus intéressants par rapports à ces techniques utilisées seules.
Clémence ALIAGA (ARVALIS – Institut du végétal)
Aude CARRERA (ARVALIS – Institut du végétal)
Sylvie NICOLIER (ARVALIS – Institut du végétal)
Sandrine REGALDO (ARVALIS – Institut du végétal)