Détourner les larves de taupins pour protéger les plantules de maïs est une technique qui a fait ses preuves en microparcelles expérimentales. Choix de l’appâts, dose, positionnement… Les modalités de mise en œuvre de cette stratégie peuvent se décliner à l’infinie. Les résultats acquis à ce jour permettent de préciser les conditions dans lesquelles la technique peut présenter une efficacité pour la protection du maïs contre les taupins, mais aussi de décrire les écueils à éviter pour limiter les déconvenues.
Le concept est simple : il s’agit de proposer une nourriture alternative, c’est-à-dire un appât, aux larves de taupins de telle sorte que celles-ci se détournent du maïs cultivé.
Les appâts, appliqués au semis, permettent ainsi d’abaisser l’exposition des maïs entre la levée et le stade 6-8 feuilles, période de grande sensibilité de la culture aux attaques de taupins.
Un mélange maïs-blé appâte mieux
Parmi les modalités étudiées et dont nous possédons suffisamment de références, le meilleur niveau de protection est obtenu avec un appât constitué d’un mélange associant des grains de blé et de maïs. Si seul le blé est utilisé en appât, l’efficacité est plus limitée et irrégulière (figure 1). D’autres céréales, l’orge notamment, donnent des premiers résultats prometteurs, mais leur évaluation doit se poursuivre pour confirmer leur intérêt technique sans augmenter la concurrence sur la culture de maïs.
Figure 1 : Efficacité de la stratégie des plantes-appâts selon le type d’appât (synthèse d’essais)
Appliquer l’appât en plein avant de l’incorporer sur les 10-15 premiers centimètres
Les plantes-appâts doivent être positionnées à proximité du maïs cultivé pour apporter une protection intéressante. Cependant, plus les appâts sont proches de la ligne de semis, plus la concurrence exercée sur le jeune maïs sera importante, surtout si la destruction de l’appât intervient au-delà du stade 4 feuilles du maïs. Le compromis le plus intéressant est donc d’appliquer les grains en plein sur le sol, par exemple avec un semoir centrifuge, puis de les incorporer dans la couche superficielle sur 10-15 cm de profondeur au cours des dernières préparations du sol pour constituer un maillage dans le sol. Ensuite, les larves de taupins qui remonteront des couches plus profondes du sol rencontreront les plantes-appâts plutôt que de se concentrer sur les graines de la ligne de semis de la culture à protéger.
L’éloignement de l’appât par rapport à la ligne de semis de maïs engendre une réduction de l’efficacité vis-à-vis des attaques de taupins (figure 2). Mais cela permettra d’abaisser la concurrence sur la culture. Il s’agira donc de trouver le bon compromis entre efficacité vis-à-vis des attaques de taupins et nuisibilité des plantes appâts sur la culture.
Figure 2 : Efficacité d’un appât constitué d’un mélange blé + maïs (60 kg/ha de chaque espèce) selon son positionnement par rapport à la raie de semis de maïs, comparé à la référence en microgranulés (1 essai en 2019)
A noter qu’un semis plus précoce des plantes-appâts par rapport à la date de semis de la culture principale n’a pas permis d’améliorer l’efficacité de la stratégie dans nos conditions expérimentales (figure 3).
Figure 3 : Efficacité de la stratégie des plantes-appâts selon leur date de semis
Comment détruire les appâts dans le maïs développé ?
La stratégie des plantes-appâts présente donc des résultats intéressants, mais elle peut s’avérer plus nuisible qu’une attaque de taupins si les plantes-appâts ne sont pas détruites à temps car elles concurrencent rapidement la culture de maïs.
La stratégie apportant plus de sécurité consiste à utiliser des appâts à base de blé et de maïs sensibles à la cycloxydime, de semer une variété de maïs tolérante à la cycloxydime puis de désherber au stade 3-4 feuilles à l’aide du produit commercial Stratos Ultra (à base de cycloxydime). Cet herbicide antigraminées permet de détruire les plantes-appâts sans augmenter le nombre de désherbage s’il est associé à une solution antidicotylédones.
Une autre possibilité consiste à recourir à des plantes appâts autres que du maïs afin de les détruire avec une sulfonylurée. Cependant, dans nos conditions expérimentales, l’action de cette famille d’herbicide a été plus lente et la destruction des plantes-appâts plus aléatoire que lors d’application d’un produit à base de cycloxydime.
La destruction mécanique est également envisageable, c’est même la seule solution en agriculture biologique. Reste à trouver un compromis entre la répartition des appâts dans l’inter-rang (ce qui facilite leur élimination grâce au binage mais diminue l’efficacité de la protection) et leur application en plein. Cette dernière option assure une meilleure protection contre les taupins mais occasionne une nuisibilité sur la culture d’autant plus importante que le désherbage sur le rang sera compliqué (selon le matériel disponible).
Dans le cas de l’utilisation d’un appât à base de maïs seul, espèce moins concurrentielle que les céréales à paille, appliqué en plein avant le semis, une destruction mécanique dans l’inter-rang pourrait être possible et le maïs appât fait effet de densité compensatoire aux attaques sur la culture de vente. Des expérimentations seront mises en œuvre pour évaluer les bénéfices et les risques de cette stratégie.
La destruction des appâts est donc une étape à ne surtout pas négliger. Il est fortement recommandé de prendre en considération ce point critique dès l’élaboration de l’itinéraire technique, c’est-à-dire dans le choix de la variété de maïs (en privilégiant une variété tolérante au Stratos Ultra) et dans le choix de la stratégie de désherbage (chimique ou mécanique).
Participez à la recherche de solutions alternativesPour la quatrième année consécutive, nous vous proposons de mettre en place un protocole expérimental en grandes parcelles pour tester la technique des plantes-appâts sur les larves de taupins.
Téléchargez le protocole « plante-appât pour taupin ».
N’hésitez pas à nous faire part de vos résultats par retour de la fiche de notation figurant en fin de protocole. En fin de campagne, les contributeurs à cette recherche participative pourront accéder à une synthèse des résultats acquis par la communauté.
Appâtez bien !
Jean-Baptiste THIBORD (ARVALIS – Institut du végétal)