Des symptômes de jaunisse nanisante de l’orge apparaissent dans les parcelles de céréales. Comme aucun remède n’existe contre cette virose, voici les bonnes questions à se poser pour les cas les plus graves.
Des symptômes de jaunisse nanisante de l’orge (JNO) apparaissent dans certaines parcelles d’orge d’hiver depuis trois semaines, sur des variétés sensibles. Ce sont pour la grande majorité d’entre elles des semis réalisés avant le 15 octobre, qui n’ont pas reçu de protection insecticides à l’automne. Des symptômes sur des blés semés précocement et non protégés sont également signalés depuis quelques jours.
Quand la plante est infectée, il n’existe aucune technique de lutte contre cette maladie virale. Aucune intervention n’est donc envisageable aujourd’hui pour atténuer ces symptômes. Pour les cas les plus graves, la question se pose alors du retournement de la parcelle. Voici quelques éléments d’aide à la décision.
Au sommaire :
• Avant toute chose, est-ce bien de la JNO ?
• Quels dégâts possibles ?
• Comment décider du retournement d’une parcelle d’orge ?
Avant toute chose, est-ce bien de la JNO ?
Les causes de jaunissement peuvent être multiples : hydromorphie et/ou problème de structure, carence en azote ou autres éléments, phytotoxicité d’herbicides ou bien encore JNO. Pour en savoir plus, consultez notre article yvoir de février.
Sur orge, les premiers symptômes de JNO apparaissent par petits foyers. Ils sont généralement observés début montaison. Cette année, les conditions climatiques très douces de l’automne et de l’hiver ont conduit à une expression anticipée des symptômes dans bon nombre de cas. Les pointes des feuilles des plantes atteintes jaunissent jusqu’au dessèchement. Les plantes sont nanifiées (réduction de la hauteur de la plante), leur répartition irrégulière dans la parcelle donne un aspect moutonné. Dans les cas les plus graves, les plantes peuvent même disparaître.
Sur blé, les symptômes sont plus tardifs : végétation chétive sans tallage excessif, jaunissement avec rougissement de la pointe des feuilles et, à épiaison, couleur lie de vin/jaune de la dernière feuille (feuille drapeau).
Il est recommandé de faire réaliser par un laboratoire des tests ELISA pour confirmer le diagnostic à partir de prélèvements de plantes présentant des symptômes (se renseigner auprès de son technicien). Il est, de plus, important d’identifier si le virus est le seul responsable des symptômes observés pour prendre une décision sur la suite à donner.
Quels dégâts possibles ?
Une fois le diagnostic posé et confirmé sur les parcelles d’orge, il est nécessaire de bien identifier le type de symptômes (décolorations du feuillage accompagnées ou non de nanisme) et leur répartition dans la parcelle (% de surface concernée). Selon ces deux critères, les pertes de rendements peuvent être très différentes.
Les symptômes de JNO peuvent être plus ou moins prononcés avec, par ordre de gravité :
• Une légère décoloration en bout de feuilles, jusqu’à une décoloration soutenue sur feuilles entières. Dans les essais ARVALIS (variétés sensibles, semis précoces), la perte de rendement s’avère majoritairement inférieure à 10 % lorsque les symptômes finaux (notés mi à fin avril) ne correspondent qu’à des décolorations du feuillage. Les pertes supérieures concernent des cas avec des décolorations soutenues et sur une grande surface de la parcelle.
• Des symptômes croissants de nanisme (réduction de hauteur) pouvant aller jusqu’à la disparition de pieds. Ces symptômes se rajoutent aux phénomènes de décoloration. Leur impact est nettement plus fort car ils affectent sérieusement la densité d’épis par m², avec des conséquences directes sur le rendement. Les essais ARVALIS conduits sur orge (variétés sensibles, semis précoces) mettent en évidence la forte nuisibilité du nanisme (noté de mi à fin avril) en relation avec le taux de surface concernée (tableau 1).
Tableau 1 : Pertes de rendement (en % du rendement avec protection insecticide efficace) selon la surface parcellaire touchée par du nanisme pour des variétés d’orges d’hiver sensibles à la JNO
Au sein de chaque classe de surface affectée, les variations sont liées aux écarts de sensibilité variétale et aux possibilités de rattrapage de la culture (climat de l’année, milieu…).
Attention, ces résultats sont obtenus à partir des notations « finales » des symptômes. Les symptômes observés actuellement peuvent encore évoluer en s’aggravant (surface et/ou intensité) courant montaison, comme en témoignent en général les essais sur orge. Par la suite la progression reste généralement plus faible. Mais des variations peuvent être observées selon les conditions climatiques et l’intensité de l’infection.
Comment décider du retournement d’une parcelle d’orge ?
Chaque parcelle doit être étudiée au cas par cas, avec pour objectif de répondre à la question suivante « La culture de remplacement permettra-t-elle a minima de couvrir les frais des deux cultures ? ».
– 1re étape : En cas de réimplantation d’une culture au printemps, il convient d’être vigilant sur la nature des herbicides utilisés à l’automne et des risques parfois importants de phytotoxicité sur la culture suivante. Toutes les cultures n’ont pas la même flexibilité vis-à-vis des produits utilisés à l’automne. Ces informations sont disponibles auprès des firmes phytosanitaires. Pour certains produits, il est recommandé de réaliser un labour avant le semis de la culture de remplacement.
– 2e étape : Après le désherbage, ce sont les conditions climatiques et les conditions d’implantation qui peuvent limiter le choix de la cultures de remplacement. En fonction des prévisions climatiques à court terme, de l’état de ressuyage des parcelles, des plages optimales de semis, la liste des cultures possibles se réduit avec l’avancée de la campagne.
– 3e étape : Il est important de se renseigner sur l’état du marché des cultures retenues et sur l’itinéraire technique adapté. Ces informations permettront d’estimer le rendement minimal à atteindre pour couvrir les investissements réalisés sur l’orge et la culture de remplacement. Si ce rendement semble cohérent avec le potentiel de la parcelle (type et profondeur de sol, secteur géographique, conditions d’implantation…), le remplacement de l’orge peut être envisagé. Dans le cas contraire, il faudra essayer d’estimer au mieux ce qui sera le moins coûteux entre retourner quand même l’orge ou la laisser en place. Dans ce dernier cas, il faudra revoir à la baisse l’enveloppe des intrants prévus pour le potentiel de la parcelle.
Les céréales à la montaison moins sensibles à la JNOLes céréales sont d’autant plus affectées par la JNO que l’inoculation virale a lieu au début de leur cycle de développement. De la fin du tallage à l’épiaison, une inoculation est toujours possible si des pucerons porteurs du virus sont présents sur les plantes, mais les symptômes occasionnés sont nettement amoindris et la nuisibilité de ces infestations tardives n’a pas été mise en évidence à ce jour. L’observation de toutes les céréales est donc recommandée mais la vigilance doit se porter en priorité sur les orges de printemps.
Delphine BOUTTET (ARVALIS – Institut du végétal)
Mathilde LEJARDS (ARVALIS – Institut du végétal)
Chloé MALAVAL JUERY (ARVALIS – Institut du végétal)
Agnès TREGUIER (ARVALIS – Institut du végétal)