Si le déterminisme du rendement du blé est finalisé à la maturité physiologique, certains critères de qualité des grains peuvent évoluer pendant la phase de dessiccation et jusqu’à la récolte. Zoom sur le poids spécifique et le temps de chute de Hagberg.
Poids spécifique
Le Poids Spécifique (PS) représente la densité d’un ensemble de grains. Il est déterminé par la densité des grains individuels et par l’arrangement spatial des grains les uns par rapport aux autres. Les publications scientifiques décrivant les mécanismes physiologiques en jeu sont très rares sur le sujet.
La densité des grains serait essentiellement liée aux conditions de croissance de la culture, et donc à sa capacité à remplir densément l’enveloppe des grains. Il semblerait que les teneurs en protéines élevées soient favorables dans une certaine mesure car elles permettent une meilleure agglomération de l’amidon dans la matrice protéique présente dans le grain. Les grains vitreux (blé dur par exemple) ont donc en tendance des PS plus élevés.
L’aptitude à l’agencement spatial des grains les uns par rapport aux autres serait par contre plutôt soumis au facteur variétal, en lien avec la forme des grains (longueur, largeur, profondeur et ouverture du sillon). A densité de grain égale, les petits grains ont tendance à laisser plus d’interstices, et donc à mener à des PS plus faible. De même, les grains vêtus (dont l’orge) présentent un moins bon agencement spatial, et donc des PS moindres.
Une construction en deux temps
La phase de début de remplissage des grains (jusqu’à grain laiteux) est critique pour la mise en place des enveloppes des grains, puis le début de migration des réserves (amidon et protéines). C’est durant cette période que se met en place un « PS potentiel ». Il est donc préférable d’avoir des conditions ensoleillées voire même sèches au cours de cette période.
Ensuite à partir de la fin du remplissage, lors de la dessiccation des grains, les mouvements d’eau dans les grains vont dégrader ce potentiel. Il semblerait que les conditions d’assèchement rapide soient plus favorables que celles où la teneur en eau chute lentement. De même, des pluies de fin de cycle au moment de la moisson engendrent des reprises en eau des grains, ce qui dégrade le PS ; on considère en général qu’une pluie de 20 mm fait perdre 1 point de PS à du blé ; il y aurait toutefois des différences variétales, non explicitées ni caractérisées.
Les conditions de l’année ont été jusqu’à maintenant favorables, hors situations totalement échaudées. Les précipitations de cette semaine pourraient engendrer une baisse du PS. Mais une baisse de PS dans ces circonstances ne signifie pas baisse de rendement ! Les grains seront moins denses, mais le poids total reste inchangé.
Temps de chute de Hagberg et germination sur pied
L’indice de temps de chute de Hagberg (TCH) reflète le déclenchement d’une activité α-amylasique dans les grains, synonyme d’une dégradation de l’amidon du grain. Cela va avoir des répercussions sur le processus de panification et par voie de conséquence sur la qualité du produit fini.
Il existe différentes voies de déclenchement de cette activité selon les conditions climatiques de fin de cycle, la présence de ravageurs (cécidomyies), la verse et l’existence d’impuretés dans le lot de grains (grains verts notamment). Ces voies identifiées dans la littérature sont au nombre de 4 (de la plus fréquente à la moins fréquente) :
• la germination sur pied avant récolte ;
• la production d’ α-amylases sans processus de germination (donc sans eau) en réponse à des chocs thermiques ;
• la germination sur pied avant maturité physiologique. Elle est souvent associée à des dégâts de cécidomyies orange (Sitodiplosis mosellana) ;
• la persistance d’ α-amylases non dégradées dans des grains matures et de couleur normale (pas de grain vert).
L’effet variétal sur les critères temps de chute de Hagberg et germination sur pied peut par ailleurs être très fort. La sensibilité environnementale à la germination sur pied se détermine en deux temps : le niveau de dormance des grains s’établit au cours du remplissage, puis la levée de dormance intervient plus ou moins rapidement entre la maturité et la récolte.
L’intensité de la dormance, bien que sous dépendance variétale est hautement modulée par le climat : de hautes températures moyennes couplées à de la sécheresse au cours du remplissage du grain sont susceptibles d’induire la dormance chez certaines variétés faiblement dormantes alors que des chocs de températures peuvent la réduire significativement.
Entre maturité physiologie et récolte, températures fraîches et humidité conduisent à la levée de la dormance et à la germination. Remarque importante : en situations fraîches, les effets de dormance sont contournés : le poids des conditions d’induction de dormance est réduit, et les différences variétales s’estompent.
Le scénario climatique de l’année est complexe, avec addition de chocs thermiques et présence de stress hydrique. L’arrivée d’un temps perturbé et incertain cette semaine nécessite d’être vigilant, surtout s’il y a déclenchement de verse. En cas de doute, il est recommandé de prioriser les récoltes en fonction des sensibilités variétales (notamment sur la note de sensibilité à la germination sur pied). Il est également important de veiller à l’homogénéité du peuplement : les situations touchées par un stress hydrique précoce suivi de retours de pluies, ou par les gelées d’avril, sont davantage exposées à des montées tardives de talles, pas forcément mûres lors de la moisson. L’impact de ces grains immatures est disproportionné à leur niveau de présence : quelques grains verts peuvent abaisser la valeur de TCH d’un lot.
Jean-Charles DESWARTE, Olivier DEUDON, Guénolé GRIGNON (ARVALIS – Institut du végétal)
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