Des essais conduits en 2016 et 2017 ont permis d’évaluer l’impact technico-économique du décalage des semis avec différentes stratégies herbicides sur les ray-grass. Avec une implantation trop précoce, la gestion des adventices s’avère plus difficile.
Lors de la dernière campagne, un essai a été conduit à Mespuits (91) sur des ray-grass résistants. La variété Lyrik a été semée à trois dates : 3/10/2016 (précoce) ; 21/10/2016 (intermédiaire) ; 17/11/2016 (tardive). Plusieurs stratégies herbicides ont été utilisées (tableau 1).
Tableau 1 : Modalités herbicides appliquées lors de la campagne 2017 pour chaque date de semis dans l’essai de Mespuits (91)
Quelle que soit la stratégie herbicide, les résultats sont systématiquement plus satisfaisants avec la date de semis intermédiaire que précoce. Cette dernière est la plus infestée en ray-grass (453 adventices/m2 contre 223 dans le semis du 21 octobre). Quant à la date de semis tardive, l’efficacité obtenue sur les ray-grass est assez proche de la date intermédiaire (figure 1). A noter que les efficacités de cette dernière date de semis sont pénalisées par des relevées en sortie d’hiver.
L’application sur une population plus limitée (semis intermédiaire) permet de limiter les pertes d’efficacité.
La modalité Archipel Duo puis Axial Pratic n’est pas satisfaisante quelle que soit la date de semis. Le choix initial n’était pas de faire les 2 applications (trop onéreux) mais suite au constat de la non efficacité de la sortie d’hiver précoce (Archipel Duo), il a été décidé de faire un Axial Pratic, en rattrapage tardif. A noter qu’un test de résistance effectué par Bayer n’a révélé aucune résistance liée à la cible pour les produits herbicides de la famille des inhibiteurs de l’ALS et de l’ACCase. Cependant, des résistances par détoxification ont été observées pour la famille chimique des FOPs et le mésosulfuron, expliquant les faibles résultats de cette application de sortie d’hiver.
Pour la date de semis précoce, le programme Archipel Duo puis Axial Pratic apporte de 10 à 13 points de gain d’efficacité lorsqu’il est positionné en rattrapage des trois stratégies d’automne. Pour les autres dates de semis, les compléments de sortie d’hiver ont un effet quasi nul. Les solutions d’automne seules atteignent des niveaux d’efficacité équivalents, tout en économisant un passage d’Archipel Duo et un passage d’Axial Pratic (118 €).
Les trois stratégies d’automne se tiennent pour chaque date de semis, comparée une à une, en 3 points d’efficacité. Elles ont profité de très bonnes conditions d’application durant l’automne 2016. Pour exemple, avec une date de semis intermédiaire, Défi 3 l + Carat 0,6 l atteint 97 % d’efficacité, contre 98 % pour Daiko 2,25 l + Fosburi 0,6 l + H 1 l et 99 % pour le programme en deux passages.
Figure 1 : Comparaison des efficacités sur ray-grass en croisant « dates de semis x programmes herbicides » – Essai ray-grass 2017 à Mespuits (91)
De meilleurs rendements avec une date de semis intermédiaire
Les meilleurs rendements sont obtenus avec la date de semis intermédiaire, puis la précoce et enfin, la tardive (figure 2). En effet, la date de semis précoce a été pénalisée par la présence de ray-grass, même avec les meilleures modalités. La date de semis tardive a, quant à elle, souffert des conditions de froid hivernal (démarrage très lent de la culture) ainsi que de conditions échaudantes en fin de cycle.
En semis précoce, la parcelle témoin atteint un rendement de 33 q/ha. La modalité de sortie d’hiver seule (Archipel Duo puis Axial Pratic) permet de gagner 13 q/ha. Et une application de prélevée seule multiplie par deux ce gain (+28 q/ha). La meilleure modalité, en absolu, s’avère être l’application de postlevée d’automne rattrapée par la double application de printemps (+36 q/ha).
En semis intermédiaire, la parcelle témoin atteint un rendement de 54,5 q/ha. La modalité de sortie d’hiver seule (Archipel Duo puis Axial Pratic) fait gagner environ 10 q/ha. Viennent ensuite la prélevée puis Archipel Duo (68 q/ha), puis dans le même groupe, les autres modalités, sauf l’application de postlevée précoce solo qui permet de gagner 1,5 q/ha supplémentaire (73,5 q/ha). La phytotoxicité d’Archipel Duo (note de 2 le 12/04) pourrait expliquer cette légère différence de rendement entre l’application solo et le programme.
En semis tardif, la parcelle témoin atteint un rendement de 63 q/ha, c’est-à-dire sensiblement le même rendement que les modalités traitées d’automne de la date 1. Compte tenu du faible enherbement, il n’y a pas de différences significatives entre le témoin et les modalités traitées. Un léger effet dépressif des traitements de sortie d’hiver est observé avec une perte d’environ -3 q/ha (note de phytotoxicité de 2,5 à 3, le 12/04), mais non validée statistiquement.
Figure 2 : Résultats rendements bruts – Essai ray-grass 2017 à Mespuits (91)
Et côté technico-économique ?
En 2016, les modalités « dates de semis tardives » avec, soit « application de prélevée », soit « traitements de prélevée puis postlevée », offraient les meilleurs compromis marge – note de satisfaction, les rendements avec la date tardive étant les plus élevés.
Tandis qu’en 2017, c’est la modalité « dates de semis intermédiaires prélevée puis postlevée » qui est la mieux positionnée.
En 2016, les modalités avec un complément en sortie d’hiver s’en sortaient mieux qu’en 2017 car, l’herbicide appliqué de groupe B était encore efficace : l’état de la résistance n’était pas connu au moment de l’application, il s’agissait au final d’une résistance au groupe A uniquement.
Sur la synthèse des deux années, les modalités avec dates de semis précoces sont en retrait d’un point de vue satisfaction du désherbage mais également d’un point de vue retour sur investissements par rapport aux dates intermédiaires et tardives ! Rappelons que les rendements des dates de semis précoces sont pénalisés par le fort enherbement de ray-grass.
Figure 3 : Produits – coût herbicides en fonction des notes de satisfaction* obtenues – Prix du blé : 145 €/t – Synthèse des essais ray-grass 2016 et 2017 à Mespuits (91)
A la lumière de ces résultats, une date de semis comprise entre le 20 octobre et le 5 novembre avec une application de prélevée suivie d’une postlevée précoce apparaît comme un bon compromis technico-économique, notamment lorsque l’état de résistance des ray-grass est incertain. En cas de fortes populations sans résistance, et uniquement sans résistance, un semis compris entre le 20 octobre et le 5 novembre et un programme automne puis sortie d’hiver est intéressant.
Ludovic BONIN, Lise GAUTELLIER VIZIOZ (ARVALIS – Institut du végétal)
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