Les semis retardés de céréales d’hiver posent la question des possibilités de désherbage avec des produits « d’automne » racinaires en janvier ou février.
Beaucoup de parcelles infestées en graminées (vulpins, ray-grass, etc.) devaient recevoir une prélevée ou une postlevée précoce. Avec les pluies et les conditions difficiles de l’automne 2019, ces applications n’ont pas pu être toutes réalisées. Pour autant, basculer en applications de printemps avec des inhibiteurs de l’ALS ou de l’ACCase se révèle impossible dans les parcelles avec présence de populations résistantes. Dans ces situations, peut-on appliquer les produits « d’automne » sur janvier ou février, sans risques pour la culture ?
Flashback sur quelques essais
Assez proches de nous, les campagnes 2012-2013, et dans une moindre mesure 2016-2017 et 2017-2018, ont été assez difficiles pour la mise en place d’essais. Nous aurions pu remonter plus loin dans le temps mais les spécialités étudiées n’auraient plus été à jour (beaucoup de bases IPU par ex.). Nous avons donc appliqué en janvier des spécialités qui étaient prévues à l’automne, au stade 1-2 feuilles de la culture, dans 5 essais.
Tableau 1 : spécialités racinaires d’automne appliquées en janvier à titre expérimental (5 essais)
Afin de compiler les résultats, nous n’avons gardé que les mélange Daiko 2,25 l + Fosburi 0,5 l + Huile 1 l (et Defi 2,5 l + Fosburi 0,6 l) et Fosburi (0,5 l ou 0,6 l) + Tolurgan 3 l (ou Fosburi + Tolurgan + Defi (0,5 l + 1 l + 2 l) en 2018). Ces mélanges, réputés efficaces mais aussi parfois agressifs, sont de bons indicateurs du risque pris pour une application de janvier.
Attention, la réglementation n’autorise pas toutes les applications en janvier/février. Fosburi est par exemple interdit au-delà du 31 décembre. Nous l’avons gardé ici à titre d’exemple car c’était la modalité étudiée en expérimentation. Battele Delta par exemple, similaire à Fosburi, est par exemple utilisable jusqu’à BBCH13.
Alors, sélectif ou pas ?
Les résultats sont assez limpides : non il n’y a pas de risque (du moins pas plus qu’en application « classique » d’automne). La note de phytotoxicité moyenne sur ces 5 applications, sur des campagnes différentes, est de 0,7 (pour rappel, nous fixons l’acceptabilité à 3) pour le mélange Daiko + Fosburi + huile et de 0,3 pour le mélange Tolurgan + Fosburi. Il n’y a donc pas de risques particuliers à appliquer plus tardivement que d’habitude, car le stade de la culture est bien à 1-2 feuilles.
A noter que l’essai de Binges (2013) était très difficile avec une application le 6 mars, au-delà de la limite réglementaire. L’essai de Souzy la Briche était également très spécifique avec un sol gorgé d’eau par la suite.
Attention, ces conclusions sont valables pour un blé tendre – réputé assez rustique. Ce n’est pas tout à fait le cas pour une orge d’hiver ou bien un blé dur. Il conviendra d’être plus prudent sur ces 2 dernières cultures et d’éviter les mélanges trop « solides ».
Veiller à respecter les limites réglementaires !
Néanmoins, il faut se conformer aux spécifications des spécialités, et notamment les stades limites d’application. De nombreux produits racinaires d’automne sont possibles en sortie d’hiver mais certains d’entre eux ont une date limite d’application au 31 décembre (cas de Fosburi, Merkur), quand d’autres ont un stade BBCH à respecter. Du fait des semis tardifs, les stades de cultures sont décalés.
Consultez les stades limites d’application des spécialités racinaires « d’automne » (pdf).
Lise GAUTELLIER VIZIOZ (ARVALIS – Institut du végétal)