Afin de maîtriser le désherbage du maïs, il est nécessaire de définir une stratégie de désherbage cohérente, adaptée à la flore présente. Rappel de quelques fondamentaux.
Définir la flore des parcelles de maïs
- Des graminées : les graminées estivales (panic, sétaire, digitaire,) et des graminées plus classiques (ray-grass, vulpin) mais parfois résistantes à certaines familles herbicides (sulfonylurées).
• Des dicotylédones classiques du maïs : morelle, chénopode, renouée persicaire, amarante.
• Des dicotylédones plus difficiles à maitriser : renouée des oiseaux, renouée liseron, mercuriale, mais aussi arroche, linaire, géraniums, véronique de Perse, etc…
• Des vivaces : liserons, chardon, rumex.La nature, le stade et la densité des adventices vont orienter le choix de la stratégie à adopter.
Adapter la stratégie pour maîtriser la flore présente ou attendue
Une flore importante de graminées, une flore mixte (graminées + dicotylédones) en forte densité nécessitent un programme en deux passages associant un traitement de prélevée du maïs puis un traitement de postlevée.
Les ray-grass et vulpins résistants aux sulfonylurées obligent à se passer de cette famille herbicide, et à revenir à un traitement de prélevée à base de chloroacétamides.
En cas de sol sec au semis (ce qui n’est pas le cas à ce jour !), reporter le traitement herbicide de prélevée en postlevée précoce (une à trois feuilles du maïs) en adaptant le choix des produits.
Une flore de dicotylédones (avec peu ou pas de graminées) peut se maîtriser en postlevée, en un ou deux passages selon le niveau d’infestation et la dynamique de levée.
Concernant le liseron des haies, il faut une stratégie spécifique pour le détruire. Les associations triples en lutte conjointe contre graminées + dicots + liserons ne feront que le freiner.
Les stratégies avec double application restent les plus sécurisantes. Les vivaces, si elles sont en nombre, nécessiteront une stratégie spécifique. Il est déconseillé de désherber un maïs pointant…
A chaque intervention, ses conditions de réussite
Le traitement de prélevée est à réaliser le plus tôt possible après le semis de façon à bénéficier de l’humidité du sol. Le sol ne doit pas être trop motteux. Les produits utilisés sont à action racinaire. La dose est fonction de la teneur en matière organique du sol. L’efficacité de l’herbicide est liée à l’état humide du sol et baisse significativement en cas d’application sur sol sec. Les produits sont à base de chloroacétamide (efficacité essentiellement anti-graminées, ex : Dual Gold S, Isard), ou de pendiméthaline (efficacité plutôt anti-dicoylédones, ex : Prowl 400, Dakota P), de tricétones (ex : Camix, Adengo)…
Un traitement de postlevée précoce du maïs est efficace sur adventices non levées ou au stade plantule (dicots avant deux feuilles, graminées avant une feuille). C’est une stratégie délicate à mettre en œuvre car elle combine des herbicides à action racinaire et à action foliaire. Elle nécessite une bonne humidité du sol pour optimiser l’action des racinaires et une bonne hygrométrie lors de l’application pour garantir l’efficacité des foliaires. C’est une stratégie à mettre en œuvre quand le sol est sec au semis, ou quand on recherche une persistance d’action des antigraminées racinaires (semis précoce !).
La postlevée « classique » du maïs utilise des produits à pénétration foliaire (ou essentiellement foliaire). Les produits et doses sont adaptés à la flore présente en tenant compte de l’espèce la plus difficile à contrôler et du stade des adventices. Traiter sur des adventices jeunes (moins de 3-4 feuilles) assure une meilleure efficacité. L’hygrométrie de l’air doit être supérieure à 70 % lors de l’application. Eviter de traiter des maïs stressés. Des températures comprises entre 10 et 25°C dans les 48 h après le traitement limiteront les risques de phytotoxicité. Les dicots les plus difficiles à maîtriser nécessiteront souvent deux passages avec un premier passage au stade jeune de l’adventice. Pour les produits les moins sélectifs, éviter si possible de traiter en plein après 6 ou 8 feuilles du maïs.
Cas des ray-grass et vulpins résistants
La lutte contre les ray-grass et vulpin résistants aux sulfonylurées se fait en prélevée, voire en pré-semis incorporé, avec un chloroacétamide : S-métolachlore (Dual Gold Safeneur) de préférence contre le ray-grass, dmta-P (Isard) de préférence contre le vulpin. Un traitement de pré-semis incorporé permet de profiter de l’humidité du sol. Attention cependant à ne pas diluer la matière active dans une profondeur excessive d’incorporation (se limiter à 4-5 cm de profondeur).
Cas du liseron : freiner ou détruire
La lutte contre le liseron des haies est plus difficile car pour être efficace, la matière active doit être absorbée en grande quantité, donc par une plante développée (liseron > 15 cm).
Pour détruire le liseron des haies, il faut mener une lutte spécifique par une stratégie en deux passages de postlevée à base de dicamba, à dissocier de la lutte contre les dicots. Par exemple, Banvel 4S à 0,4 l avant 6 feuilles du maïs puis à 0,2 l après 8 feuilles du maïs.
En lutte conjointe contre graminées, dicots et liserons, l’association triple « sulfonylurée + tricétone + 3e partenaire » est souvent utilisée. Le troisième partenaire est un produit contenant du dicamba ou du fluroxypir. Cette stratégie peut freiner le liseron mais ne le détruit pas. Avec ces produits, attention au risque de manque de sélectivité vis-à-vis de la culture, a fortiori au-delà du stade 6 feuilles, et/ou en cas d’association sulfonylurée + dicamba.
Quelle place pour le désherbage mécanique ?
Les stratégies mécaniques strictes présentent l’intérêt de l’absence de produits phytosanitaires. Elles sont délicates à mettre en œuvre car leur efficacité est liée à une bonne maîtrise des outils et à une absence de pluviométrie pour ne pas favoriser les relevées. Il est souhaitable de les réserver à des flores simples de dicots annuelles (peu ou pas de graminées, absence de vivaces) et à des maïs à développement rapide (semis tardif !).
Les stratégies « combinées », associent chimie et mécanique. Le schéma le plus sécurisant / classique est l’introduction du binage en postlevée suite à un traitement chimique en plein réalisé en prélevée ou en postlevée précoce ou en postlevée classique, ce sur une flore simple. La maîtrise des adventices peut nécessiter plusieurs binages. L’efficacité est souvent insuffisante sur le rang.
Bertrand CARPENTIER (ARVALIS – Institut du végétal)