Actuellement les parcelles de blé sont au stade 2 nœuds et s’approchent des stades dernière feuille pointante à dernière feuille étalée. Tout comme en 2011 et 2010, la sécheresse prolongée des mois de mars et d’avril pose un certain nombre de questions quant à la gestion de la fertilisation azotée.
Pour que le dernier apport d’azote réalisé soit considéré comme valorisé et que l’utilisation d’un outil de pilotage apporte toute sa pertinence, il faut un cumul d’environ 15 à 20 mm de pluie dans les deux semaines suivant l’apport.
Mauvaise valorisation des apports réalisés autour du stade « épi 1 cm »
Cette année, les apports réalisés autour du stade épi 1 cm ont rencontré des conditions difficiles pour être correctement valorisés, selon les dates d’apport et secteurs géographiques. Globalement, une date critique se dessine sur la région, les apports réalisés avant le 25 mars ont reçu une quinzaine de millimètres de pluie ; en revanche il, n’a plus plu après le 25 mars sur tous les Hauts-de-France…
Figure 1 : Niveau de pluie reçue dans les 15 jours suivant l’apport d’azote réalisé à différentes dates
On distingue donc plusieurs cas de figures :
• Les apports d’azote réalisés avant le 25 mars ont pu recevoir 15 à 25 mm de pluie sur quelques rares secteurs : le Ternois, la Thiérache, le Pays de Bray, la Seine Maritime… (en vert sur le tableau), ce qui a permis la dissolution de l’engrais et la valorisation de cet apport. Dans ce cas, ces apports ont pu être globalement valorisés et l’utilisation des outils de diagnostics est possible.
⇒ Dans ces secteurs suffisamment arrosés, il n’y a pas de contraintes particulières à l’utilisation des outils de pilotage.
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Partout ailleurs, pour des apports réalisés avant le 25 mars, il a plu moins de 15 mm : la situation est assez critique avec des secteurs très déficitaires en eau comme le Santerre, l’Artois Cambrésis, la Plaine de la Scarpe… (cases en rouge et orange). Ces apports n’ont pas joué en totalité, et seulement une très faible partie peut encore être valorisable aujourd’hui avec le retour potentiel des pluies.
• Les apports d’azote effectués après le 25 mars n’ont même pas reçu 5 à 10 mm, quel que soit le secteur : ils sont donc mal valorisés ou en cours de valorisation. Leur efficacité dépend des doses engagées, des pluies reçues depuis leur réalisation et des formes employées. Si les pluies sont très faibles, l’essentiel de la dose apportée n’a pas été absorbé par la culture et une partie de cet azote peut être encore présent dans le sol.
⇒ Pour ces situations avec des faibles pluviométries, des carences induites apparaissent et peuvent être à l’origine d’une sur-évaluation des diagnostics.
Cartes 1 à 3 : Pluviométrie sur différentes périodes
Que faire ?
Les conséquences d’une faible pluviométrie après les apports sont :
– Des pertes par volatilisation pour la solution azotée peuvent aller jusqu’à 20-30 % et, dans une moindre mesure (5-10 %), pour l’ammonitrate et les urées avec inhibiteurs d’uréase.
– Un retard d’absorption de l’azote. En situation sèches, le déficit probable d’absorption d’azote observé à ce jour peut provoquer des carences induites. Il est probable qu’une certaine quantité d’azote, difficile à déterminer avec précision, reste aujourd’hui présente dans le sol et sera absorbée par les plantes dès le retour des pluies.
– En conditions sèches, l’absorption de l’azote par les plantes est ralentie, mais elle n’est pas nulle. Les fortes rosées de début avril ont probablement légèrement compensé le manque de pluie.
Pour ces situations majoritaires sur la région où l’azote a été mal valorisé, il est recommandé :
– d’attendre le retour des pluies et la valorisation de l’apport précédent pour intervenir,
– d’effectuer le diagnostic qui est possible jusqu’au stade DFE ou gonflement selon les outils,
– de fractionner en cas d’apports importants (> 50 unités d’azote/ha),
– au-delà du stade limite d’utilisation de l’outil, si les 15 mm depuis le dernier apport n’ont pas été atteint, ne pas dépasser la dose mise en réserve.
Dans notre région, les estimations de stade indiquent l’apparition du stade « Dernière Feuille Pointante » autour du 3-6 mai, du stade « Dernière Feuille Etalée » autour du 10-15 mai, mais avec évidement une variabilité selon le secteur géographique, la précocité variétale…
Des apports d’azote pleinement valorisés jusqu’au stade gonflement !
La situation n’est pas encore perdue, le blé est capable d’endurer des carences temporaires en azote pendant la montaison sans gros dégâts. Néanmoins, plus la période de mauvaise valorisation s’étend, plus l’impact probable sur le rendement se renforce. On considère que si la bonne absorption n’est pas rétablie avant le stade dernière feuille (étalée), le nombre d’épis/m² peut être atteint. Une fois ce stade dépassé, les perspectives de rattrapage s’amenuisent. Le nombre de grains/épi sera ensuite lui aussi affecté. La phase la plus sensible au déficit hydrique va de gonflement à 20 jours après floraison.
– Actuellement, le potentiel de rendement est stable pour les situations les plus favorables (limon profond, parcelle peu avancée en stade), à condition que les pluies reviennent rapidement, au plus tard au stade dernière feuille étalée (Z39), fin gonflement (Z45).
– En revanche, pour certains cas extrêmes de terres très légères où le stress hydrique conduit à une stagnation de croissance remettant en cause le potentiel de rendement (de l’ordre -5 à -15 q/ha selon les situations), la préconisation pour le troisèime apport d’azote pourra alors être réduit (de l’ordre de -10 à -30 u).
Rappelons-nous de l’année 2011, où la situation était assez proche avec un déficit hydrique printanier important (avec en plus des températures chaudes encore plus pénalisantes), mais les rendements avaient été « sauvés » en Nord-Pas-de-Calais grâce aux retours des pluies tardives et à la valorisation des apports tardifs. En revanche, la situation était restée sèche en Sud Picardie, et les rattrapages n’avaient plus été possibles.
Les conditions climatiques des prochaines semaines seront donc déterminantes, avec un retour espéré de la pluviométrie. Un apport positionné entre dernière feuille étalée et gonflement, juste avant une pluie, garantira une valorisation optimale en rendement et en protéine.
Anne-Sophie COLART, Thierry DENIS, Elodie GAGLIARDI (ARVALIS – Institut du végétal)
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