Par temps chaud, sec et venteux, la volatilisation de l’azote ammoniacal issu des engrais est maximale. Ces trois conditions sont réunies depuis près d’un mois sur une bonne partie de la France, si bien qu’une part importante des apports réalisés au cours de cette période peut y être exposée. Il est important de comprendre le processus pour mettre en œuvre des leviers d’atténuation adaptés.
Les pertes d’azote par volatilisation ammoniacale sont une des principales causes de diminution de l’efficacité des engrais azotés. Ce phénomène physico-chimique est également à l’origine de pollutions atmosphériques préjudiciables à la santé humaine et à l’environnement. En ce sens, les niveaux d’émissions sont règlementés et plafonnés à l’échelle de la France et de l’Europe.
La volatilisation de l’azote ammoniacal : un processus dépendant du climat et du sol
Le processus de volatilisation ammoniacale correspond à l’émission dans l’air d’ammoniac gazeux (NH3) issu de l’ion ammonium (NH4+) contenu dans les engrais minéraux ou organiques, ou encore dans la solution du sol.
Dans la majorité des cas, ce phénomène intervient à la suite d’apports d’engrais contenant de l’azote uréique (précurseur de l’ammonium) ou de l’azote ammoniacal.
Ce processus est relativement rapide : la majorité des pertes interviennent dans les 24 heures suivant un apport de produits résiduaires organiques et le pic d’émission est atteint dans les 2 à 7 jours suivant un apport d’engrais minéraux.
L’ampleur de ce phénomène est cependant extrêmement variable, car très dépendante des conditions environnementales. Parmi elles, le facteur climatique est décisif : le phénomène est maximal en conditions chaudes, sèches et venteuses.
Le pH du sol intervient également : lorsque les conditions sont propices à la volatilisation, celle-ci est beaucoup plus marquée dans les sols alcalins. Cela s’explique par l’influence du pH sur l’équilibre entre l’ammonium et l’ammoniac dans la solution du sol : lorsque le pH augmente, la proportion d’ammoniac augmente au détriment de l’ammonium, conduisant à des niveaux de volatilisation supérieurs. Les sols acides ne sont pas pour autant totalement exempts de volatilisation, ils y sont simplement moins sujets. Pour citer un exemple, la dissolution des granules d’urée provoque une brusque augmentation du pH dans leur environnement immédiat, ce qui rend les conditions de surface propices à la volatilisation, même dans des sols légèrement acides. Si les pertes observées dans ces situations restent inférieures à celles mesurées en sols alcalins, il est capital de chercher à les minimiser.
Privilégier des formes d’engrais minéraux moins sensibles à la volatilisation
Des travaux ont permis de montrer que les différentes formes d’engrais ne présentent pas toutes la même sensibilité à la volatilisation. Les engrais à forte teneur en ammonium ou en urée sont plus sensibles à ce phénomène.
L’ammonitrate est la forme la moins sensible alors que l’urée est la plus exposée (+ 13,1 % d’azote volatilisé en moyenne par rapport à l’ammonitrate sur un réseau de 6 essais). Quant à la solution azotée, elle présente un profil de sensibilité intermédiaire, avec une augmentation moyenne de 9,4 % d’azote volatilisé en comparaison à l’ammonitrate sur un réseau de 4 essais.
Néanmoins, l’expression de cette sensibilité différentielle est dépendante des conditions pédoclimatiques, et les chiffres moyens annoncés peuvent être bien en deçà de la réalité dans des conditions très propices à la volatilisation.
Des études visant à évaluer l’impact d’un inhibiteur d’uréase (le NBPT) ont par ailleurs permis de confirmer l’intérêt de freiner le processus d’hydrolyse de l’urée en ammonium pour réduire les émissions d’ammoniac par volatilisation. L’objectif de retarder l’hydrolyse de l’urée est de lui laisser plus de temps pour s’infiltrer dans le sol, afin que le pic de concentration d’ammoniac intervienne dans les couches plus profondes, le sol faisant ainsi office de barrière physique à la volatilisation. Dans les conditions étudiées, l’adjonction de NBPT à l’urée ou à la solution azotée a permis de réduire les pertes d’azote par volatilisation pour atteindre des performances d’émissions équivalentes à celles de l’ammonitrate.
L’enfouissement réduit fortement les pertes
L’enfouissement s’est révélé très efficace pour limiter les pertes associées à l’épandage de produits résiduaires organiques. Sur un réseau de 5 essais comparant un épandage de lisiers de porcs ou de bovins sur sol nu, un enfouissement de 5 à 10 cm de profondeur juste après l’épandage à l’aide d’un outil à disques ou à dents a permis de réduire de 60 % à 100 % la volatilisation. Cette pratique est ainsi fortement recommandée pour les apports de produits résiduaires organiques sur sol nu.
Les références manquent encore pour évaluer avec certitude l’effet de l’enfouissement dans le cas d’apports d’engrais minéraux. Pour tenter d’y répondre, un réseau de 8 essais instrumentés pour mesurer les émissions a été mis en place, mais les conditions climatiques n’ont été propices à la volatilisation que sur un seul d’entre eux. Une tendance favorable semble se dégager, mais reste à confirmer dans un plus grand nombre de situations.
Apporter la juste dose au bon moment
Dans le cas d’apport d’engrais minéraux, des leviers restent efficaces pour limiter les pertes par volatilisation : fractionner les doses pour être au plus près des besoins des plantes et déclencher l’apport avant des pluies qui permettront de maximiser sa valorisation.
Cet objectif s’est toutefois révélé complexe à mettre en œuvre sur les parcelles de blé ce dernier mois, du fait de l’absence de précipitations conséquentes sur une période durable. En de telles circonstances, le recours à l’irrigation se justifie pleinement : il permet de valoriser les apports d’azote et de limiter les pertes par volatilisation. Pour les parcelles non équipées sur lesquelles une carence est attendue ou avérée, il peut être judicieux de n’appliquer qu’une fraction restreinte de la dose prévue si les prévisions météorologiques annoncent de faibles cumuls de pluie. Cela permet de maintenir un niveau de nutrition azoté minimal sans mettre en jeu des volumes d’engrais trop importants dont la valorisation serait aléatoire.
A l’issue de cette période sèche, l’enjeux majeur sera d’évaluer la part des apports effectivement valorisée par les cultures ainsi que la part encore disponible dans le sol, en vue de piloter au plus juste le dernier apport et limiter au maximum les situations de carences.
Un guide des bonnes pratiques pour limiter les émissions d’ammoniac
L’ADEME et le CITEPA ont publié en juillet 2019 un guide des pratiques agricoles les plus pertinentes pour limiter les émissions de NH3 et de particules dans l’air, en réponse à la Directive UE 2016/2284.
Destiné aux organismes de conseil agricole, ce guide se présente sous forme de fiches synthétiques. En productions végétales, elles concernent principalement la gestion de la fertilisation azotée et les modes d’épandage, la gestion des résidus et des engins agricoles.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de l’ADEME.