La lutte contre les vulpins et ray-grass devient un poste de charge de plus en plus important, avec parfois des impasses techniques. Face à ce constat, les leviers agronomiques doivent être activés en amont : travail du sol, préparation de sol et date de semis. Des essais mis en place par ARVALIS entre 2017 et 2019 permettent de mettre en balance les pertes liées à la nuisibilité des graminées et les pertes de rendement liées au décalage de la date de semis.
Retarder le semis de 15 jours, c’est 50 % de graminées en moins
La synthèse des 9 essais champenois montre une réduction d’environ 50 % (parfois plus) de vulpins/ray-grass, en combinant un décalage de la date de semis et un faux-semis mécanique ou chimique.
Figure 1 : Infestation en adventices selon la date de semis – 9 essais 2017-2019 ARVALIS (51-52-21-91-18)
La réduction de l’infestation peut même être plus importante, comme le montre l’essai de l’Epine (51-) en 2019 : – 80 % (de 1000 à 200 vulpins/m² en 3 semaines).
Essai Date de semis * Désherbage ARVALIS – L’Epine [51] – Campagne 2018-2019
A l’inverse, dans les essais menés en sols superficiels barrois, le fait d’anticiper les dates de semis (début septembre) expose à une infestation en vulpins deux fois plus importante et à un risque plus élevé d’exposition aux ravageurs.
Perdre en potentiel mais gagner en désherbage : il faut choisir !
En parcelles sales, la dépense herbicides peut rapidement s’envoler et atteindre 100 voire 150 €/ha, ce qui n’empêche pas des pertes de rendement tant l’infestation en adventices est importante. Ainsi, décaler la date de semis, en risquant de perdre un peu en productivité, peut s’avérer pertinent et aboutir à une gestion plus durable des adventices.
Dans le regroupement barrois :
• la date de semis décalée à la mi-octobre offre les meilleurs rendements nets (modalité désherbage sortie d’hiver). La perte de potentiel liée au décalage de la date de semis est compensée par un désherbage proche de la perfection (densité de graminées plus faible).
• dans les situations où la résistance aux herbicides inhibiteurs de l’ALS est forte, la stratégie de semer tôt et de passer deux fois à l’automne (PRE+POST) offre 80 % d’efficacité et un rendement net de 62 q/ha. Dans ce cas, la meilleure stratégie consiste à retarder son semis : la modalité d’un double désherbage d’automne (prélevée + postlevée) offre alors 94 % d’efficacité et un rendement net de 66 q/ha.
Figure 2 : Rendement net de différentes stratégies de désherbage (regroupement Barrois – 3 essais 2018 et 2019)
Dans le regroupement en sols de craie, les applications de sortie d’hiver sont mises en défaut. Sur une population de 1000 vulpins/m², il faut lourdement investir à l’automne pour atteindre un niveau d’efficacité acceptable en semis précoce. La date de semis décalée est le bon compromis : elle apporte les meilleurs rendements nets, le décalage du semis début de novembre ayant eu un impact fort sur le rendement.
Figure 3 : Rendement net de différentes stratégies de désherbage (regroupement Craie – 2 essais 2018 et 2019)
Faux-semis et labour : des leviers agronomiques efficaces
Le faux-semis consiste à travailler de manière superficielle le sol (1 à 3 cm de profondeur), trois semaines avant le semis de la culture (de mi-septembre à début octobre), pour faire lever les adventices avant de les détruire en amont du semis de la culture d’hiver. Quand les conditions le permettent, l’idéal est de réaliser plusieurs faux-semis, pour « déstocker » davantage. La réussite d’e cette pratique sur vulpins dépend de trois éléments clés :
– L’outil utilisé : herses de déchaumage, bêches roulantes, vibrodéchaumeurs ou déchaumeurs à disques indépendants montrent de bons résultats, grâce à un travail superficiel et une préparation fine du sol.
– Une humidité du sol et des pluies suffisantes pour favoriser la germination des graines de vulpins.
– L’état de dormance des graines de vulpins : plus il fait chaud entre fin mai et mi-juin (période de maturation des graines de vulpins), plus la dormance est faible et plus la réalisation d’un ou plusieurs faux-semis durant l’automne qui suit est pertinente. Cette année, les températures étaient plus fraîches au printemps, la dormance pourrait donc être un peu plus difficile à lever.
Et dans les parcelles fortement infestées, le labour est souvent LA solution : en enfouissant les graines en profondeur, le labour les empêche de germer, et au bout de 3-4 ans sans être remontées en surface, elles vont finir par disparaître. Un labour tous les ans est donc inutile.
Mélanie FRANCHE (ARVALIS – Institut du végétal)
Philippe HAUPRICH (ARVALIS – Institut du végétal)