Dans le contexte actuel très sec qui rappelle le printemps 2017, des questions se posent quant à la fertilisation azotée des céréales et l’utilisation des outils d’aide à la décision.
Après une période très sèche depuis le 10-13 mars, un passage pluvieux le week-end du 17-18 avril a enfin permis d’apporter un peu d’eau, entre 10 et 20 mm. Certains secteurs ont même reçu des orages importants (Plateau Picard Nord, secteur d’Arras…). A l’inverse, les secteurs les moins chanceux (Sud de l’Oise…) ont reçu à peine quelques millimètres.
Carte 1 : Cumul des pluies (mm) du 16 au 18 avril 2020
Pour que le dernier apport d’azote réalisé soit considéré comme valorisé, il faut un cumul d’environ 15 à 20 mm de pluie dans les deux semaines suivant l’apport. Le tableau 1 montre que les apports réalisés après le 10-13 mars n’ont pas reçu suffisamment d’eau pour être correctement valorisés.
Tableau 1 : Cumuls de pluie dans les 15 jours suivant un apport azoté, à différentes dates
Les principales conséquences d’une faible pluviométrie après les apports
Des pertes par volatilisation
Pour la solution azotée, ces pertes peuvent aller jusqu’à 20-30 %. Pour l’ammonitrate et les urées avec inhibiteurs d’uréase (type Nexen ou Utec 46), elles sont moindres (5-10 %). Ce phénomène engendre une moindre efficacité des engrais azotés.
Un retard d’absorption de l’azote
En situation sèches, le déficit probable d’absorption d’azote observé à ce jour peut provoquer des carences induites. Ces carences interfèrent avec les diagnostics de nutrition azotée et peuvent être à l’origine d’une sur-évaluation des préconisations, qui doivent être modulées en conséquence. Il est probable qu’une certaine quantité d’azote, difficile à déterminer avec précision et non prise en compte dans les diagnostics, reste aujourd’hui présente dans le sol et sera absorbée par les plantes dès le retour des pluies.
Cependant, en conditions sèches, l’absorption de l’azote par les plantes est ralentie, mais elle n’est pas nulle. Les rosées matinales ont probablement légèrement compensé le manque de pluie : même si les quantités d’eau en jeu restent modestes, elles favorisent l’absorption d’azote par les céréales
Quand faire le diagnostic ?
Les pluies du 17 et 18 avril (tableau 1) vont être bénéfiques pour les céréales qui commencent à souffrir de la sécheresse, même si elles n’ont pas été homogènes partout. Elles vont permettre une valorisation des apports d’azote et corriger en partie le déficit hydrique dans les sols les plus superficiels ou en mauvais enracinement.
Dans ce contexte, il sera préférable d’attendre une dizaine de jours avant une complète valorisation des derniers apports avant de réaliser un diagnostic de la culture avec un outil de pilotage.
Pour les situations qui n’ont toujours pas reçu suffisamment de pluie (moins de 10-15 mm), un diagnostic réalisé trop précocement pourrait révéler une carence en partie liée au défaut de valorisation de l’apport précédent (perte par volatilisation ou réorganisation). Il conviendra de réaliser le diagnostic lorsque les conditions seront à nouveau favorables, ou à défaut, d’ajuster la dose préconisée par l’outil en défalquant une partie.
• Si la dose préconisée est ≥ 80 kg N/ha : réduire de 20 kg N/ha.
• Si la dose préconisée est comprise entre 50 et 70 kg N/ha : réduire de 10 kg N/ha.
• Si la dose préconisée est >= 40 kg N/ha : appliquer la dose recommandée.
A noter également que d’autres facteurs peuvent influencer le diagnostic de nutrition azotée, comme la présence de symptômes de viroses, d’enherbement important, d’éventuelles phytotoxicités ou encore des problèmes de structure / d’hydromorphie, impactant fortement le développement du système racinaire. Pour ces situations, des jaunissements peuvent apparaître, conduisant généralement à des sur-évaluations des besoins en azote. Ces situations seront à analyser au cas par cas.