Hauts-de-France – Blé tendre : quel risque maladies en ce début de montaison ?

Cette année, les conditions climatiques de l’automne et de l’hiver douces et pluvieuses ont été favorables au maintien de l’inoculum des maladies (rouille jaune, piétin verse, septoriose). Cependant, ce risque climatique est à relativiser en ce début de printemps, sans avoir à craindre d’attaques très précoces pour la plupart des situations.

La rouille jaune et le piétin-verse devront être surveillées uniquement pour les situations très spécifiques, et il est actuellement trop tôt pour présager du risque septoriose. Pour l’instant, il n’y a pas d’intervention à envisager avant le stade 2 nœuds et ce seront les conditions climatiques à venir qui seront déterminantes pour le développement des maladies.

Des cultures en avance, mais des semis plus tardifs que d’habitude

Le temps a été poussant en sortie d’hiver et les cultures sont globalement en avance d’une grosse semaine au stade épi 1 cm, surtout pour les semis précoces. Mais, la plupart des semis ont été tardifs cette année (fin octobre), compte tenu des conditions d’implantation difficiles de l’automne.

Ainsi, pour la majorité des parcelles semées autour du 25 octobre 2019, le stade 2 nœuds ne sera pas atteint avant la mi-avril, et la sortie de la dernière feuille, pas avant début mai. Les conditions climatiques à venir pourront faire accélérer la végétation, en particulier avec la semaine prochaine qui s’annonce un peu plus douce.

Tableau 1 : Estimation des stades du blé tendre pour la région Hauts-de-France au 31 mars 2020 (Modèle physiologie d’ARVALIS – Institut de végétal)

Rouille jaune : peu de risque d’attaques très précoces

Le seul indicateur climatique YELLO indique un risque élevé pour l’année 2020, proche de la référence haute de l’année 2014. Mais d’après le modèle CrustYello, qui intègre cet indicateur climatique YELLO mais aussi d’autres variables telles que la date de semis, la sensibilité variétale, le potentiel de repousse, des facteurs climatiques, l’année 2020 ne semble pas être associée à un risque d’apparition aussi précoce que 2014 (référence haute). En effet, il y a eu très peu de repousses l’été dernier à cause de la sécheresse, ce qui a perturbé le maintien de l’inoculum et abaisser potentiellement le risque.

Les conditions fraîches et sèches de ce début de printemps ne sont également pour l’instant pas très favorables à la maladie. Toutefois, le risque reste plus élevé que l’année dernière, et la vigilance devra se maintenir dès que le climat redeviendra favorable surtout en situations à risque (variétés sensibles et bordure maritime).

Cartes 1 à 3 : Risque rouille jaune calculé par Crustyello au stade épi 1 cm pour une variété très sensible

Par ailleurs, le premier critère du risque de la rouille jaune reste la sensibilité variétale : la plupart des variétés cultivées dans la région sont peu sensibles (note de 7 et plus : Chevignon, Fructidor, RGT Sacramento, KWS Extase, Rubisko…), et dans ce cas, l’analyse de risque peut attendre le stade 2 nœuds.

Pour les variétés très sensibles (note < 6) : Amboise 4* (contournée depuis l’année dernière par la rouille jaune), Complice, Nemo, RGT Lexio…, la surveillance est de rigueur dès le stade épi 1 cm.

Figure 1 : Sensibilité variétale à la rouille jaune (cotation CTPS et ARVALIS) – mise à jour janvier 2020

Retour des analyses de résistance rouille jaune 2019 – INRAE (au 17 mars 2020)
L’analyse des races de rouille jaune réalisée par l’INRAE à partir des échantillons 2019 envoyés en région, met en évidence deux principales races depuis 2011 : Warrior (également appelé Warrior 1) et Warrior (-) identifiée à partir de 2013 et qui domine depuis 2014. Cette année, Warrior (-) domine toujours et représente 68 % des échantillons. Depuis 2016, on observe des variants de Warrior (-) capables d’attaquer la variété Némo (race Kalmar). En 2017, une nouvelle race a été détectée, et les analyses suggèrent qu’il s’agit d’un hybride entre Warrior et Kranich (W1/Kranich). En 2019, sur les 39 échantillons en région Hauts-de-France, la race Warrior (-) et Warrior (1) dominent (82 %) (figure 2).

L’envoi des échantillons en cas de foyer actif de rouille jaune est toujours attendu par l’INRAE cette année. Mais compte tenu de la situation sanitaire actuelle, l’INRAE propose un protocole spécifique pour la durée du confinement. Se rapprocher de votre technicien pour plus de détails.

Figure 2 : Evolution des races de rouille jaune en France entre 2009 et 2019

Septoriose : attendre le stade 2 nœuds pour l’évaluation du risque

Les conditions climatiques hivernales ont été favorables à l’installation de l’inoculum de septoriose qui est à ce jour plus important que d’habitude (cartes 4 à 6). Mais ce sont évidemment les conditions climatiques à venir, à partir du stade 2 nœuds, qui seront déterminantes sur la nuisibilité finale de la maladie, l’inoculum septoriose étant rarement limitant de notre région. Pour l’instant, les conditions anti-cycloniques, sans pluie depuis le 10 mars avec le maintien de conditions fraîches, ne sont pas favorables au développement de la maladie.

Il est donc actuellement trop tôt pour se prononcer sur le risque septoriose de cette année, mais à l’heure actuelle, les outils d’aide à la décision n’indiquent pas de déclenchements précoces (pour l’instant, au plus tôt autour de la dernière feuille pointante pour les variétés sensibles, et dernière feuille étalée pour les variétés peu sensibles). Le risque septoriose devra être réévalué dans les prochaines semaines en prenant en compte le retour potentiel des pluies.

Cartes 4 à 6 : Inoculum septoriose au stade épi 1 cm pour une variété assez précoce et assez sensible à la septoriose

La plupart des nouvelles variétés cultivées dans la région présentent une bonne tolérance à la septoriose (Chevignon, KWS Extase… notées 7), mais il faudra rester vigilant pour les variétés plus sensibles (RGT Sacramento, Boregar… notées 5,5).

A noter que les cotations septoriose ont été remises à jour cet hiver (figure 2) avec les observations du printemps 2019 et que certaines variétés ont vu leur notation évoluer à la baisse.
► KWS Dakotana et Sanremo perdent 1 point mais maintiennent une note de 6,5,
► Boregar, RGT Lexio, RGT Libravo, Advisor, Rubisko, Bergamo, Cellule, RGT Volupto perdent 0,5 point par rapport à l’année dernière et sont désormais relativement sensibles à la maladie,
► Enfin, Filon, Mutic, Concret, Unik avaient déjà vu évoluer leur notation à la baisse par rapport à leur cotation de leur inscription.

Figure 2 : Sensibilité variétale à la septoriose (cotation CTPS et ARVALIS) – mise à jour janvier 2020

Piétin-verse : un climat favorable qui invite aux observations

Le risque climatique est élevé cette année, compte-tenu des conditions climatiques douces et pluvieuses de l’automne et de l’hiver qui rappellent l’année 2001 (grande année piétin-verse).

Cependant, ce risque est largement déterminé par les critères agronomiques de la parcelle (potentiel infecteux, milieu physique, sensibilité variétale et date de semis). Il faut donc qu’il y ait eu une attaque conséquente les dernières années pour qu’un minium d’inoculum soit présent dans la parcelle et contamine ensuite les tiges durant l’hiver et le printemps. Or, les dernières années ont généralement été peu favorables au piétin-verse, laissant finalement très peu d’inoculum dans les parcelles. L’utilisation de la grille agronomique permettra donc d’affiner le risque.

Covid-19 : les équipes d’ARVALIS restent mobilisées et connectées
L’épidémie ne nous fait pas oublier que la campagne agricole se poursuit avec ses aléas, en particulier cette année où les conditions de cultures sont très compliquées. En ces temps de confinement et de difficultés d’accéder facilement aux parcelles, lors de vos tours de plaine et observations, n’hésitez pas à nous faire remonter tous les problèmes observés en culture et/ou questions de conjoncture via nos mails. Nous prendrons le temps d’y répondre et/ou en mutualisant les retours avec un message dédié toujours dans le souci d’accompagner au mieux les producteurs.

Elodie GAGLIARDI (ARVALIS – Institut du végétal)
Anne-Sophie COLART (ARVALIS – Institut du végétal)
Thierry DENIS (ARVALIS – Institut du végétal)