Les blés ont pris de l’avance. Le point sur l’état des cultures en fin de montaison.
Après avoir traversé une longue période de sécheresse depuis mi-mars, la pluie est revenue juste à temps fin avril au moment de la sortie de la dernière feuille.
Pendant toute la montaison, les blés ont souffert du sec avec parfois une mauvaise valorisation des apports azotés, surtout pour les situations en difficulté (mauvais enracinement, semis très tardifs, sols superficiels…).
Ces stress ont perturbé l’apparition des stades en provoquant de faibles élongations des tiges. Visuellement, mi-avril, les plantes semblaient être à peine à 2 nœuds, alors que la dernière feuille pointait déjà ! En effet, l’offre thermique en avril est très nettement supérieure à la moyenne et les stades se sont enchaînés rapidement.
Les épiaisons sont annoncées nettement en avance par rapport à la moyenne pluriannuelle, entre le 10 et le 20 mai, et les floraisons entre le 15 et le 25 mai (tableau 1).
Tableau 1 : Prévisions de stade du blé tendre par date de semis
Quel potentiel à dernière feuille ?
Au 25 avril, l’état des réserves en eau est faible, surtout en sol superficiel (10 à 30 mm seulement), mais la pluie de fin avril est revenue à temps pour réduire le déficit hydrique.
Pour un blé semé en octobre, le déficit hydrique reste limité (0 à 20 mm) pour la plupart des situations de la région ; il peut atteindre 40 mm dans les situations les plus délicates (cartes 1 et 2).
Cartes 1 et 2 : Déficit hydrique au 25 avril 2020 pour une date de semis normale en sols superficiels et en sols profonds
Cette période de sec a pu engendrer de fortes régressions de talles pour les situations les plus délicates, sur des peuplements qui n’étaient déjà pas très abondants, remettant en cause le potentiel de rendement. Elle a également pu perturber l’absorption de l’azote par les plantes.
En même temps, sur cette période, les critères photothermiques (températures et rayonnement) sont supérieurs à la moyenne, ce qui peut être bénéfique pour la fertilité des épis si le stress hydrique et les carences azotées n’ont pas trop freiné les cultures. Ainsi, pour les situations en sols profonds et pour des cultures bien enracinées, la pluie de fin avril est revenue au bon moment, alors que les plantes arrivaient au stade dernière feuille pointante – étalée.
Rappelons qu’un blé est capable d’endurer de légers stress hydriques et des carences temporaires en azote pendant la montaison sans gros dégâts. On considère que si la bonne absorption n’est pas rétablie avant le stade dernière feuille (étalée), le nombre d’épis par m² peut être atteint. Une fois ce stade dépassé, les perspectives de rattrapage s’amenuisent. Le nombre de grains par épi sera ensuite lui aussi affecté. La phase la plus sensible au déficit hydrique va de gonflement à 20 jours après floraison. Les conditions climatiques des prochaines semaines seront évidemment déterminantes dans la suite de l’élaboration des composantes de rendement (nombre de grains par épi et remplissage des grains – Poids de Mille Grains (PMG)).
Prévision de froid à la méiose : quel risque ?
Les prévisions météorologiques des prochains jours indiquent des températures fraîches pour la période des Saints de Glace, alors que les blés sont en cours d’étalement de la dernière feuille, et donc proche du stade de la méiose.
La méiose est une phase particulièrement sensible aux stress climatiques. C’est plus précisément la méiose pollinique, c’est-à-dire les étapes de formation du pollen, qui peuvent être affectées. C’est durant cette phase que la fertilité des épis finit de se mettre en place. Cette phase très courte (quelques jours) est caractérisée par des besoins en photosynthèse instantanée élevés, qui peuvent ne pas être satisfaits si les conditions météorologiques sont défavorables. Ces stress physiologiques peuvent être dus, entre autres, à un coup de froid (seuil d’alerte autour de 4°C) ou un défaut de rayonnement (qui peut même être plus dommageable que la faible température). A suivre…
Rappel : le stade méiose coïncide avec la ligulation de la dernière feuille. Cela s’observe :
– quand le sommet du jeune épi touche la ligule de l’avant dernière feuille,
– à l’arrivée du stade « barbes visibles » chez l’orge.
Quelle pression maladies à dernière feuille ?
L’état sanitaire des blés est actuellement très bon visuellement concernant la septoriose. Début mai, de nombreuses parcelles sont indemnes de symptômes sur les trois dernières feuilles. Cela résulte évidemment de la longue période de sec de mars et avril, mais aussi de la bonne tolérance des variétés cultivées.
Toutefois, les dernières contaminations de septoriose liées au passage orageux du 17 avril et aux pluies de fin avril sont maintenant en incubation sur les derniers étages foliaires, les symptômes vont apparaître sur les témoins non traités d’ici 2 à 3 semaines. La pression septoriose risque d’être tardive, mais pas complétement nulle, surtout dans les secteurs où il a beaucoup plu.
Il s’agit donc maintenant de protéger correctement la dernière feuille étalée, en particulier dans les secteurs où les pluies ont été abondantes (carte 3).
Carte 3 : Cumuls de pluies (en mm) du 15 mars au 2 mai 2020
Les outils d’aide à décisions (Septo-LIS®…) confirment des déclenchements tardifs avec des impasses de T1 possibles pour un grand nombre de situations. Les déclenchements sont intervenus à dernière feuille pointante (DFP) fin avril / début mai pour les variétés les plus sensibles (note <= 5 type Rubisko, Bergamo…), tandis que pour les variétés moyennement sensibles (note 5,5 et 6, type Complice, RGT Sacramento), c’était à DFP dépassé de quelques jours, voire dernière feuille étalée (DFE) dans les secteurs les moins arrosés. Quant aux variétés les plus tolérantes (>= 6,5, type Chevignon, KWS Extase…), toutes pouvaient attendre l’étalement de la dernière feuille, voire gonflement.
La rouille brune sera également à surveiller car les cumuls de températures entre le 1er novembre 2019 et le 31 mars 2020 sont assez élevés. Le potentiel de contamination est donc assez fort sur les situations les plus sensibles (variétés sensibles type : Boregar, Creek, KWS Dakotana, Nemo…). Des symptômes pourraient apparaître dès le retour de températures plus chaudes.
La rouille jaune est toujours à surveiller pour les variétés les plus sensibles (Amboise, Complice, Nemo, Chevron, Creek, Tenor…).