Pour l’instant, les outils d’aide à la décision confirment un risque septoriose plutôt faible sur céréales. Mais des symptômes sont observées sur feuilles basses, même sur variétés peu sensibles et quelques pluies sont prévues prochainement. Que faut-il en penser ?
Les conditions météorologiques de l’année sont assez particulières, avec énormément de pluie depuis cet hiver et jusqu’à début mars, constituant un inoculum septoriose assez important. Toutefois, depuis le 10-13 mars, un régime très sec et venteux s’est installé, très défavorable à la montée de la maladie.
Rappel sur la biologie de la septoriose
La septoriose est une maladie qui se propage majoritairement via les éclaboussures de pluie, son développement est donc lié à la fréquence des évènements pluvieux pendant la montaison. La hauteur atteinte par les spores dépend de la violence des précipitations, qui peuvent entraîner la contamination de deux étages successifs. La durée d’incubation de la septoriose est assez longue : elle varie de 3 à 4 semaines, selon les températures.
Climat sec depuis mi-mars : pas de nouvelle contamination
Au 15 avril, la majorité des parcelles a atteint le stade 1 nœud ; les plus avancées sont au stade 2 nœuds. Mais de nombreuses parcelles ont tout juste dépassé le stade épi 1 cm.
Les symptômes visibles actuellement sur feuilles basses sont issues des contaminations de début mars, elles ont mis un peu plus d’un mois à s’extérioriser. Ces symptômes peuvent alerter visuellement, mais sont sans gravité à ce stade car ils ne concernent que les futures F5, F6 et F7 définitives.
Ils peuvent également être visibles sur des variétés dites « peu sensibles », ce qui est finalement normal compte tenu du scénario climatique de février et de mars très pluvieux. La génétique de ces variétés permet de tolérer une plus grande quantité de symptômes que pour les variétés dites « sensibles », et surtout, la distinction se fera de manière plus marquée sur les trois dernières feuilles définitives. Il n’y a donc pas lieu de s’alarmer pour l’instant.
De plus, depuis le 13 mars, le climat est resté très sec sans nouvelle contamination des étages supérieurs. Les nouvelles feuilles en cours d’émission vont donc sortir saines. Le week-end de Pâques a enregistré quelques faibles pluies localement (secteur de Péronne dans la Somme…), mais partout ailleurs, le temps est resté sec.
Le risque septoriose est actuellement faible : nous sommes donc sur un scénario d’impasse de T1 pour la plupart des situations de la région (variétés peu sensibles, voire moyennement sensibles, semis tardifs et sécheresse depuis mi-mars).
Attention toutefois aux quelques pluies prévues pour les prochains jours, en particulier pour les variétés très sensibles les plus en avance.
Figure 1 : Températures et pluies depuis le 1er mars 2020 à Cambrai-Epinoy (59)
Quel est le risque septoriose actuellement ?
Ce diagnostic est confirmé par notre modèle épidémiologique Septo-LIS®. Pour l’instant, avec les données météo enregistrées jusqu’au 15 avril et le prévisionnel jusqu’au 22 avril (c’est-à-dire en intégrant les prochaines pluies prévues le week-end du 18 avril), le modèle n’indique pas de déclenchement précoce au stade 2 nœuds.
– Au plus tôt, l’outil d’aide à la décision déclenche au stade dernière feuille pointante, voire dernière feuille pointante dépassé de quelques jours, pour les variétés très sensibles (note septo <= 5) dans les secteurs où des pluies sont attendues.
– Pour le reste des situations (variétés peu sensibles, voire moyennement sensibles et secteurs secs), aucune intervention n’est à prévoir pour l’instant avant la dernière feuille étalée, prévue début mai.
Ces prévisions pourront évidemment évoluer en fonction de la météo observée les prochains jours.
Tableau 1 : Prévisions de stades selon la date de semis et proposition de déclenchement du traitement par Septo-LIS® selon le type de variétés
Tableau 2 : Sensibilité des variétés de blé tendre à la septoriose (cotation CTPS et ARVALIS) – mise à jour janvier 2020
Observer correctement les stades pour utiliser les seuils d’intervention
Il est important d’observer correctement les stades puisque l’objectif des seuils d’intervention sur septoriose est de suivre les symptômes sur la F4 définitive, afin de préserver les trois derniers étages foliaires indemnes de maladies.
Au stade 2 nœuds, la F2 définitive est pointante, mais il reste encore une feuille à sortir. Il faut déplier l’intérieur de la tige pour vérifier le nombre de feuilles restant à sortir. Au stade 3 nœuds (Z33), la F2 définitive est étalée à environ 75 %. Une feuille est comptabilisée si elle est émergée à plus de 50 % de la feuille précédente.
Figure 2 : Positionnement des feuilles selon le stade
Au stade 2 nœuds, on surveille la f2 du moment. A partir du stade dernière feuille pointante (DFP), c’est la f3 qui s’observe (future F4 définitive). Au stade 1 nœud, même si de nombreux symptômes sont présents sur feuilles basses, il est trop tôt pour décider d’une intervention.
Rappel du seuil de nuisibilité septoriose :
– Pour les variétés sensibles (notes <= 6) : si plus de 20 % des F4 définitives présentent des symptômes (soit la f2 du moment au stade 2 nœuds, ou la f3 du moment à partir du stade dernière feuille pointante).
– Pour les variétés peu sensibles (notes >= 6,5) : si plus de 50 % des F4 définitives présentent des symptômes (soit la f2 du moment au stade 2 nœuds, ou la f3 du moment à partir du stade dernière feuille pointante).
Avec quel produit intervenir ?
L’impasse du T1 sur septoriose devient la règle à 2 nœuds, particulièrement pour les variétés résistantes à peu sensibles (note >= 6,5). L’observation à partir de 2 nœuds ou dernière feuille pointante conduira très majoritairement une impasse du T1 pour ce type de génétique. Un contrôle au champ pourra être effectué en complément.
Si un T1 est déclenché à dernière feuille pointante, du chlorothalonil en solo (750 g/ha), ou associé au soufre (500 g/ha + 2400 g/ha), peut suffire pour patienter jusqu’à dernière feuille étalée. Sinon, en cas de déclenchement à dernière feuille pointante dépassé de quelques jours, il est possible d’attendre l’étalement de la dernière feuille pour réaliser une application unique avec un produit à base de SDHI, en renforçant potentiellement la dose.
Pour le reste des situations, un déclenchement unique à dernière feuille étalée suffira en privilégiant un produit associant un SDHI et un triazole (Librax, Revystar XL, Kardix, Elatus Plus + Arioste 90…), qui pourra être renforcé d’une strobilurine en cas d’attaque de rouille brune.
En cas de déclenchement d’un T1 à 2 nœuds (ce qui n’a pas l’air d’être le cas cette année), des associations triazole(s) + produit de contact (chlorothalonil, soufre ou folpel) sont possibles, mais des économies peuvent certainement être faite dans le contexte de cette année. A noter que le chlorothalonil n’est utilisable que jusqu’au 20 mai 2020.