Hauts-de-France : Vers une gestion de la fertilisation adaptée à l’état des céréales

Après la douceur et l’humidité du début de campagne, le froid s’est abattu sur les cultures en février. Les risques de dégâts dépendent du développement des plantes et posent la question de la gestion de la fertilisation.

 

Début de campagne 2018 très pluvieux, l’opposé de 2017

Depuis les semis, l’année se caractérise par des cumuls de pluie importants, et particulièrement intenses depuis la mi-décembre jusqu’à la mi-février. En moyenne, les cumuls sont de l’ordre 20 % à 50 % supérieurs à la médiane pluriannuelle, s’étalant de 300 à 500 mm selon les secteurs géographiques. L’ouest des Hauts-de-France est déjà à plus de 400 mm cumulés !

Carte 1 : Pluie (mm) du 1/10/2017 au 15/02/2018

Après la douceur du début d’hiver, vague de froid en février

Après une phase douce depuis les semis et une quasi absence de début d’hiver, les céréales implantées tôt se sont développées très fortement. L’arrivée du froid début février a stoppé l’avancée des cultures.

Sur la figure ci-dessous, le cumul de l’année (violet) rejoint maintenant celui de la médiane (rose). Par conséquent, les stades « épi 1 cm » prévus initialement en avance, reviennent à la normale, c’est-à-dire de fin mars au 10 avril pour la région. Rappelons tout de même, que les dates de semis sont très étalées cette année, s’échelonnant du 25 septembre à fin décembre… ce qui explique la forte hétérogénéité de développement des parcelles.

Figure 1 : Exemple de conditions climatiques rencontrées  (parcelle Fructidor semée le 20/10/2017)

On peut s’attendre actuellement à deux types de risque en fonction du développement de la végétation :
– Les semis très précoces déjà très avancés, surtout pour les variétés redémarrant un peu trop vite, risquent d’être exposés à des dégâts liés au gel de ces derniers jours. Les symptômes pourront s’observer rapidement dès la semaine prochaine. Il faut toutefois rappeler que même des parcelles totalement défoliées peuvent repartir et être productives, tant que les racines et les méristèmes ne sont pas atteints… (diagnostic à suivre).
– Les semis tardifs de la mi-novembre ont quant à eux souffert d’excès d’eau et sont souvent replaqués. Les cultures risquent de rester en situation d’hypoxie jusqu’à l’arrivée d’une franche amélioration météorologique, avec des systèmes racinaires pénalisés. Il est par ailleurs nécessaire de s’assurer que les parcelles souffrant d’excès d’eau ne présentent pas d’accident de structure : si les sols sont compactés, les cultures rencontreront encore plus de difficulté à s’installer correctement.

Quelle gestion de la fertilisation pour la reprise de végétation ?

Avec les cumuls d’eau exceptionnels, le lessivage a été important et les reliquats sont logiquement parmi les plus faibles enregistrés depuis longtemps. Alors qu’en 2017, les reliquats pouvaient dépasser les 100 unités, cette année ils oscillent entre 30 et 50 unités avec moins d’hétérogénéité entre précédents que d’habitude. On peut donc s’attendre à certains conseils de doses d’azote élevés.

La fertilisation (azotée et soufrée) doit être ajustée : les excès d’eau ont lessivé le profil et les plantes présentent sûrement des racines peu fonctionnelles. Il est donc nécessaire de combler les besoins ; mais ceux-ci vont rester faibles dans un premier temps car les plantes vont présenter de faibles croissances instantanées, et donc des CAU (Coefficient Apparent d’Utilisation) des engrais faibles. De ce fait, le « biberonnage » est de mise pour accompagner les cultures, tout en préservant les ressources pour la montaison, stade critique du rattrapage des cultures.

– Pour les parcelles bien installées, les premiers apports d’azote nécessaires cette année devront être faits dès le retour des conditions climatiques favorables, a priori la semaine prochaine. Une dose moyenne de 40 unités devrait suffire jusqu’au stade « épi 1 cm » prévu fin mars.
– Sur les parcelles mal implantées, les besoins sont probablement plus importants, mais compte tenu des risques de mauvaise valorisation, il serait pertinent, surtout si le stade « épi 1 cm » n’apparaît pas avant le 10 – 15 avril, de ne pas dépasser 40 à 50 unités d’un coup, quitte à repasser d’ici une quinzaine de jours.

Et le soufre ?

Au même titre que l’azote, le soufre est un élément très lessivable. Les dernières années d’essais ont mis en évidence de plus en plus de gain de rendement lié au soufre dans les parcelles de la région. Si par ailleurs, il n’y a pas d’apports réguliers de matière organique sur la parcelle, un apport de soufre peut-être préconisé. Rappelons que le besoin en soufre est de 0,55 unités par quintal de blé produit. L’utilisation de la grille de préconisation de soufre est particulièrement intéressante cette année, au vu des cumuls de pluie enregistrés (tableau 1).

Tableau 1 : Préconisation d’apport de soufre (kg/ha de SO3) entre début et fin tallage sur les céréales à paille, en l’absence d’apports de matières organiques et pour un objectif de rendement de 80 q/ha

Anne-Sophie COLART (ARVALIS – Institut du végétal)
Elodie GAGLIARDI (ARVALIS – Institut du végétal)
Thierry DENIS (ARVALIS – Institut du végétal)