La précocification des semis de maïs vise en premier lieu à esquiver la sécheresse estivale par une floraison précoce des plantes, pour favoriser un nombre optimal de grains par plante. Cependant, il ne faut pas aller dans l’extrême opposé en mettant trop la plante sous stress en début de cycle par un semis trop précoce. Ceci pourrait avoir pour effet dans les cas extrêmes de diminuer le nombre de plante/ha et donc le nombre d’épi ou d’entraîner de la stérilité d’épi dans les cas de froid tardif.
Attention de ne pas se pénaliser dès la phase de germination
Par exemple, semer à une date trop précoce, avant le 5 avril pour la moitié Nord de la France, c’est avoir une durée de levée d’au moins trois semaines (tableau 1), ce qui compromet une bonne mise en place de la culture. Les longues durées de levée sont d’autant plus préjudiciables que la plantule est soumise aux agressions type maladies, ravageurs, asphyxie par excès d’eau, risques de battance…
Semer à une densité légèrement plus élevée est préconisé pour les semis précoces pour pallier les pertes à la germination mais cela ne compense pas les hétérogénéités de croissance des plantules.
Tableau 1 : Durée, en jours, nécessaire au maïs pour lever, dans 80 % des cas, selon différentes dates de semis et pour 15 stations représentatives des zones de production de maïs (données Météo France et ARVALIS – Institut du végétal sur la période 1992-2011)
Calcul théorique basé sur les températures d’air sous abri, sur un temps thermique semis-levée de 80°C et un seuil thermique de 6°C, hors effet pluviométrie.
Pour ne pas aller trop loin dans cette précocification des semis, de nouveaux indicateurs peuvent être exploités : la mesure de la température de sol en pré-semis et l’évaluation du niveau de risque climatique (risque de gelée, nombre de jours ou la température moyenne est inférieure à 10°C, pluviométrie).
Pour ce dernier point, le risque est d’autant plus difficile à prévoir que le comportement et les schémas de protection physiologique mis en place par le maïs sont variables et des adaptations différentes semblent ressortir en fonction du stade ou du type de stress.
Gel : des dégâts parfois irréversibles
Dans le cas du gel, le nombre de jours consécutifs avec gel, son intensité, l’éventuel réchauffement journalier ou le stade de la plante au moment du gel vont évidemment affecter la plante à un niveau plus ou moins fort.
La bibliographie évoque une mortalité de 50 % de plantes jeunes dans le cas de températures de -3°C pendant 24 heures. En 2010, des observations réalisées par ARVALIS – Institut du végétal sur une parcelle agriculteur du sud de la France (64) montraient 10 % de pertes de plantes pour une gelée nocturne au 7 mai (température sous-abri de 2°C sur la station météo la plus proche, photo 1 au 10 mai). Quelques semaines plus tard (13 juin), l’hétérogénéité dans la reprise de végétation était constatée (photo 2).
Photo 1 : Symptômes après gel
Photo 2 : Quelques semaines plus tard
En provoquant la cristallisation de l’eau présente dans les tissus végétaux, les températures égales et inférieures à 0°C provoquent des dégâts irréversibles au niveau des feuilles déployées. Les effets sont visibles dès le premier jour avec un brunissement des feuilles. Les jours suivants, les feuilles touchées deviennent plus ou moins translucides.
Les capacités de récupération vont être très variables d’une plante à l’autre.
Dans le meilleur des cas, les nouvelles feuilles formées vont se développer et les dégâts seront donc limités (photo 3). Par contre, très souvent, les feuilles gelées, en se repliant plus ou moins sur elles-mêmes, bloquent le déploiement des nouvelles feuilles (photo 4). Les pertes de plantes peuvent alors être importantes.
Photo 3 : Les nouvelles feuilles vont pouvoir se développer
Photo 4 : Les nouvelles feuilles auront du mal à se dégager
Un risque accru en cas de gel tardif
Au stade précoce, le méristème apical ou apex, à l’origine de la formation de nouvelles feuilles, est encore dans le sol. Il est donc bien protégé des basses températures et n’est pas en général endommagé.
A un stade plus tardif, après 6 feuilles, le gel peut conduire à la mort de l’apex (photo 5) et donc de la plante.
Photo 5 : Dégradation de l’apex après un gel
La variabilité génétique ne présente que peu d’intérêt face à ce stress, il est donc essentiel de l’estimer. En se basant sur 200 stations météo et en extrapolant hors effet altitude, la figure 1 fait état des dates de température mini journalière inférieure à 2°C les plus tardives ayant pu être observée (dans 90 % des cas) entre 1990 et 2010.
Figure 1 : Date de la dernière température mini journalière < 2°C (mesure sous abri), décile 9 entre 1990 et 2010 (source Météo France / ARVALIS – Institut du végétal)
Les températures basses réduisent l’activité photosynthétique
Une autre variable à estimer est le nombre de jour inférieur à 10 voire 15°C que subira la plante entre le semis et la transition florale. Cet indicateur est plus sournois que le précédent : il met le maïs, plante d’origine tropicale, dans une forme de latence qui l’empêche d’optimiser son fonctionnement photosynthétique.
En 2014, un essai réalisé à Montardon (64) a confirmé ce phénomène pour des plantes ayant fait leur croissance à des températures basses lors de deux périodes de mesures (figure 2).
Le froid persistant provoque une chlorose de la plante. Ce symptôme est le reflet d’une réduction de la teneur en chlorophylle et donc d’un fonctionnement photosynthétique perturbé.
Figure 2 : Efficacité de fonctionnement de l’appareil photosynthétique, en % de la valeur optimale FV/FM de 0,8
La période du sevrage (stade 4 feuilles), période où les réserves de la semence sont épuisées et où les feuilles prennent le relai en produisant de l’énergie (glucides) grâce à la lumière (photosynthèse), est très sensible à ce stress. Le fonctionnement des méristèmes (zones de croissances de la plante) est aussi affecté, le froid diminue la vitesse d’initiation des feuilles. Par ailleurs, la croissance est limitée et la surface foliaire tend à se réduire par rapport à l’optimum.
Mais les conséquences de ces niveaux de froid vont être limitées dans la mesure où ils ne conduisent pas à la mort de la plante. Les capacités de récupération après la période froide pourraient même, dans certains cas, gommer ces phénomènes.
Le froid peut aussi réduire l’absorption de phosphore
Ce niveau de froid diminue également l’absorption de phosphore et les plantules peuvent prendre une couleur rouge-violacé caractéristique. Mais attention, cette coloration n’est pas spécialement un signe négatif, en effet il résulte d’une accumulation de pigments particuliers, les anthocyanes, connus pour protéger l’appareil photosynthétique. La plante se met donc dans un mode de défense.
Dans le cadre de semis précoce, il est recommandé d’apporter un engrais starter type 18-46 au semis pour faciliter l’accès au phosphore par la plante. Ce dernier a, entre autres, pour rôle de favoriser la croissance racinaire et la rigidité des tissus qui amélioreraient la résistance au froid.
La transition florale : une période très sensible au froid
Tout en restant un phénomène rare, c’est au stade transition florale que l’impact d’une période froide peut être la plus dommageable. Ce stade-clé marque le passage du stade végétatif au stade reproducteur et il intervient lorsque 47 – 50 % du nombre total de feuilles est visible. En fonction de la précocité de la génétique, la période critique se situe donc au stade 6 à 10 feuilles, soit 1 à 1,5 mois environ après le semis.
A ce stade-clé du développement, le froid peut conduire à l’avortement de l’épi primaire, voire secondaire et dans les cas les plus extrêmes à des plantes sans épi. Le développement de la panicule est également affecté avec la réduction du nombre de ramification.
Les effets négatifs sur la croissance d’un froid non gélif sont donc délicats à quantifier, moins destructeur car les plantes ont des capacités de récupération importante. Des travaux sont actuellement en cours pour identifier les mécanismes mis en place chez le maïs soumis à des conditions froides.