Les conditions particulièrement pluvieuses de la semaine dernière soulèvent plusieurs questions : jusqu’à quand intervenir pour lutter contre la fusariose ? Faut-il ré-intervenir pour contrôler les maladies foliaires ? Quel est l’intérêt technico/économique d’un traitement post-floraison ?
Il n’y a pas de réponse unique du fait de la diversité des situations du Nord au Sud (avec notamment des cumuls de pluies variant de 50 à 150 mm en huit jours). Mais compte tenu des quantités d’eau tombées, plusieurs constats s’imposent :
• Même si la plupart des produits fongicides sont systémiques, un certain lessivage existe avec des pluies violentes qui dépassent les 50 mm. Cela revient donc à réduire l’efficacité du produit ainsi que sa persistance d’action.
• Les fortes pluies ont fait bouger les spores : si certaines sont tombées au sol, d’autres sont montées sur épi.
Un risque accru de développement de Microdochium sur épi
- Les feux sont au vert pour les contaminations (septoriose, rouille brune, fusarioses). Le risque est particulièrement élevé vis-à-vis deMicrodochium spp. sur épi compte tenu des températures très fraîches de la semaine dernière. Néanmoins, dans les zones touchées par les fortes pluies, les céréales sont comme « posées sur une éponge », qui va fournir dans les prochaines semaines l’humidité nécessaire au développement des champignons sur feuille (sous forme de rosée) même si le temps reste sec.• Dans les situations avec des blés noyés, versés ou victime de grêle, il est également fort probable si l’humidité persiste, de voir s’installer un développement de fumagines sur épis. Cette flore saprophyte (Alternaria, Cladosporium, Aspergillus, Epicoccum…) donne des épis avec du mycélium noirs et impacte le poids spécifique.De fait, un traitement supplémentaire va s’imposer le plus souvent pour protéger en priorité l’épi de Microdochium spp. avec une action complémentaire sur feuilles.
Des critères techniques, réglementaires et économiques à prendre en compte
Pour orienter la décision, de nombreux éléments doivent être pris en compte :
‐ la sensibilité variétale à la fusariose, à la septoriose et à la rouille brune. Pour rappel, il n’y a pas de variété complètement indemne de septoriose, ainsi même une variété dite assez résistante à la septoriose (note supérieure ou égale à 6,5) peut exprimer des symptômes, alors qu’il existe bien des variétés indemnes de rouille brune (notes 8 et 9). Pour les fusarioses, il existe une échelle de sensibilité des variétés de blés vis‐à‐vis de Fusarium graminearum mais pas de Microdochium spp. A défaut d’information, on peut considérer que toutes les variétés sont sensibles à Microdochium spp.
– le programme fongicide déjà réalisé sur la parcelle.
– le stade possible de réintervention dans la parcelle. Il doit être compatible entre la portance du sol et le délai avant récolte (DAR) du traitement envisagé. Le DAR est le délai minimal en jours entre le moment du dernier traitement et la récolte. Ainsi, pour une récolte prévue au 20 juillet, un DAR de 42 jours place la dernière intervention au 9 juin. Pour une récolte prévue au 15 juillet, il fallait intervenir le 4 juin. Il faut donc choisir un produit avec un DAR de 35 jours et intervenir avant le 11 juin.
– le stade phénologique de la culture. Passé le stade « grain laiteux » (qui correspond à un cumul de 450° jours après l’épiaison, soit 26 à 30 jours après la floraison), il ne sert à rien de protéger les feuilles car elles n’interviennent plus dans le remplissage du grain.
– le potentiel de la parcelle.
– le prix du quintal du blé. L’intérêt économique d’un traitement tardif est souvent discutable, le gain est le plus souvent marginal. Pour tenir compte du cours actuel du blé tendre, il faut adapter les doses fongicides pour ne pas dépasser une vingtaine d’euros.
Nos recommandations concrètes
Sur le terrain, en fonction des secteurs, plusieurs situations peuvent être distinguées.
Cas 1 : ceux qui ont déjà traité la fusariose pendant la floraison
Un relai de protection sur épis nous paraît utile cette année. Choisir un produit ayant un DAR de 35 jours et ne pas dépasser le stade grain laiteux (450°C après Z55) soit environ 26 à 30 jours après la floraison. Il faut un produit qui puisse être un relai sur feuilles tout en essayant de contrôler la microdochiose et ceci pour un coût raisonnable : une vingtaine d’euros. Les matières actives les plus appropriées sont le prothioconazole et le prochloraze et dans une moindre mesure les strobilurines et le thiophanate méthyl.
Téléchargez la liste des principales spécialités commerciales utilisables sur blés contre les fusarioses des épis.
Cas 2 : ceux qui n’ont pas pu traiter la fusariose pendant la floraison
Il faut intervenir dès que possible avec une solution efficace sur F. graminearum et surMicrodochium spp. Compte tenu de l’année, il faut rester très prêt de la dose d’homologation. Les associations à base de prothioconazole sont à privilégier.
Cas 3 : ceux qui avaient prévu deux traitements (à 2 nœuds puis à dernière feuille étalée) et pas davantage
Un traitement inhabituel en T3 semble se justifier cette année. C’est davantage le complexe feuilles/épis qui est visé. Un triazole associé au prochloraze ou un produit à base de prothioconazole est conseillé.
Cas 4 : ceux qui ne sont pas encore au stade de la floraison
Il est préférable d’attendre le début de la floraison et d’intervenir dès ce stade. Compte tenu de l’année, il faut rester très prêt de la dose d’homologation. Les associations à base de prothioconazole sont à privilégier.
Le prochloraze et le prothioconazole, particulièrement efficaces sur Microdochium spp.
Pour rappel, le prochloraze est le partenaire le plus intéressant sur Microdochium spp, après le prothioconazole. Le coût des associations tébuconazole + prochloraze en fait des solutions tout à fait acceptables pour les traitements les plus tardifs. A considérer avec le stade de traitement conciliable avec le DAR.
L’adjonction d’une strobilurine au dernier traitement pour compléter l’action du triazole et/ou du prochloraze est envisageable (même si des souches résistantes sont largement présentes sur le territoire). Les strobilurines peuvent également avoir une action sur la flore saprophyte de fin de cycle.
Le thiophanate-méthyl présente également une bonne activité sur Microdochium spp. en l’absence de souches résistantes. Par sécurité, il est préférable de l’associer à un produit également actif sur Microdochium spp.
Le chlorothalonil montre également un intérêt sur la flore saprophyte de fin de cycle. Toutefois, son utilisation reste délicate compte-tenu de ses limites réglementaires d’utilisation : délai avant récolte ou les stades limite d’application.
Jean Yves MAUFRAS, Claude MAUMENE (ARVALIS – Institut du végétal)
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