Le point sur le risque rouilles et piétin-verse sur blé au 10 mars 2020.
Rouille jaune : un risque climatique à relativiser
Le risque climatique rouille jaune indiqué par le modèle Yello est très fort, ce qui n’est pas surprenant vu la douceur hivernale dans une majorité de régions : les cumuls de températures moyennes depuis octobre sont supérieurs de 2 à 28 % par rapport aux normales.
Néanmoins, ce modèle, utilisé pour rédiger les bulletins de Santé du végétal, permet uniquement de définir des potentialités climatiques pour une variété très sensible. A ce titre, il peut faire apparaître un risque dans une région où ce type de variété n’est pas cultivé, la maladie sera donc absente.
Le modèle ARVALIS Crusty, qui prend en compte la sensibilité variétale et des variables climatiques estivales, donne un risque bien plus faible.
Ce début de campagne 2019/2020 est plus chaud que 2013/2014 et se positionne près de 2006/2007 pour les températures, mais avec des cumuls de pluie et largement supérieurs (figure 1). En effet, sur un grand nombre de stations, le cumul de précipitations depuis le 1er octobre est supérieur de 25 à 55 % par rapport à la moyenne des 20 dernières années – 1999/2018).
Figure 1 : Indicateur climatique global au 8 mars 2020
Pour rappel, 2014 est le dernier millésime avec une pression rouille jaune très précoce et très forte.
Mais attention, en 2020, les variétés cultivées sont nettement moins sensibles à la rouille jaune qu’en 2014. Déjà en 2019, les variétés résistantes représentaient plus de 60 % de la sole (tableau 1).
Tableau 1 : Surface de blé tendre implantée pour la récolte 2019 (source FranceAgriMer) par classe de sensibilité aux maladies (source ARVALIS / CTPS), en % ha (hors surfaces cultivées avec des profils inconnus)
Par ailleurs, les cumuls de pluie très élevés depuis l’automne ont perturbé l’implantation des céréales qui s’est parfois réalisée très tard. D’autre part, la sécheresse estivale qui a perduré jusqu’à fin septembre a fortement limité la présence de repousses de blé. Ces constats expliquent que jusqu’à présent la rouille jaune s’est très peu manifestée dans la plaine malgré des conditions hivernales favorable.
Au 10 mars, les premiers foyers sont signalés en vallée du Rhône et, dans quelques rares cas, dans le Gers et la Haute-Garonne sur variétés très sensibles. La vigilance reste de mise notamment sur les variétés qui sont depuis peu contournées comme Amboise, Orloge, Rgt Distingo, RGT Lexio et, dans une moindre mesure, Filon. Nous referons un point fin mars lorsque la majorité des régions auront atteint le stade épi 1 cm.
Rouille brune : pas de développement précoce à prévoir
Concernant la rouille brune, la douceur hivernale est également un facteur favorable à son développement précoce, c’est-à-dire avant épiaison. Cependant, à l’image du printemps 2004 où nous avions observé une très faible épidémie de rouilles suite à la canicule et la sécheresse de l’été 2003, ce printemps 2020 ne devrait pas connaître d’attaques précoces de rouille brune comme en 2007. Pour le moment, des symptômes de rouille brune ont été très ponctuellement observés sur les semis précoces de blé tendre et de blé dur dans le Sud-Ouest. Le climat des prochaines semaines (jusqu’en mai) sera déterminant sur l’épidémie.
Piétin-verse : un risque « classique » cette année
Le positionnement du printemps 2020 fait penser à 2001, qui est la dernière grande année piétin-verse. Cependant, depuis cette époque, les variétés ont évolué et proposent des résistances efficaces contre cette maladie. De fait, ces dernières années ont été généralement peu favorables au piétin-verse.
Pour les variétés dont la note de résistance ne permet pas de s’affranchir d’un traitement (note < 5), une grille permet d’évaluer le risque agronomique à la parcelle (figure 2). En situations à risque agronomique et climatique fort au stade épi 1 cm (note de la grille > 8), il faut que par le passé il y ait eu une attaque de piétin verse sur la parcelle pour que l’inoculum puisse se développer cette campagne.
Pour les risques intermédiaires (note entre 6 et 8), il est souhaitable d’aller observer la présence ou non de symptômes sur la parcelle jusqu’au stade 1 nœud.
Globalement cette année, le risque climatique est élevé pour les semis de fin octobre et moyen pour les semis de novembre dans un grand nombre de régions.
En tenant compte de ce risque climatique, le risque piétin-verse, au niveau national, est fort au stade épi 1 cm pour 2 à 3 % des parcelles, ce qui n’est pas exceptionnelle.
Figure 2 : Grille d’évaluation du risque piétin-verse sur blé tendre
Source : ARVALIS – Institut du végétal
Jean-Yves MAUFRAS (ARVALIS – Institut du végétal)