La montaison des céréales se déroule cette année dans un scénario climatique chaotique. Le point sur les phénomènes météo particuliers et leurs conséquences sur les cultures.
Un déficit hydrique préoccupant sur une moitié Nord-Est
A la suite d’un hiver très humide, une séquence sèche s’est installée pendant un mois sur le pays. Elle a été interrompue par les pluies autour du 20 avril au Sud et à l’Ouest, mais se prolonge encore au Nord et à l’Est (en dépit d’épisodes orageux localisés et médiatisés).
La conjonction de l’absence significative de pluies avec de fortes évapotranspirations (températures élevées, vent séchant d’Est) conduit aujourd’hui à un scénario climatique rare (pour le Sud) et extrême (pour le Nord).
Carte 1 : Cumul de pluies du 10 au 21 avril 2020
Figure 1 : Critères hydriques sur la période du 15 mars au 30 avril 2020 – Station météo d’Estrées-Mons (80)
Figure 2 : Critères hydriques d’un blé sur la période du 15 mars au 30 avril 2020 – Station météo de Baziège (31)
Ces conditions entraînent, en premier lieu, un début de stress hydrique pour les sols à réserve en eau faible à moyenne, et pour les situations où les cultures peinent à explorer et valoriser les réserves du sol (semis tardifs, enracinements pénalisés par la compaction et/ou l’hydromorphie). En second lieu, l’azote apporté sur sol sec et/ou non suivi de pluies significatives est mal valorisé.
Carte 2 : Déficit hydrique d’un blé au 25 avril sur sol profond
Carte 3 : Déficit hydrique d’un blé au 25 avril sur sol superficiel
Un temps chaud et ensoleillé qui tranche avec des gelées tardives
La fin du mois de mars a connu des gelées significatives, qui ont d’ailleurs provoqué des dégâts déjà visibles dans les parcelles du Grand-Est, de la Bourgogne-Franche-Comté et d’Auvergne-Rhône-Alpes.
Carte 4 : Températures minimales relevées sous abri entre le 15 mars et le 10 avril 2020
Carte 5 : Nombre de jours de gelées entre le 15 mars et le 10 avril 2020
Malgré ces gelées, l’offre thermique est très nettement supérieure à la moyenne, notamment dans le Sud. En conséquence, les stades s’enchaînent rapidement et les épiaisons sont annoncées nettement en avance par rapport à la moyenne pluriannuelle.
Parallèlement, les rayonnements sont très élevés (surtout au Nord où les nuages sont absents). Ceci pourrait être particulièrement bénéfique si le stress hydrique et les carences azotées ne freinaient pas les cultures.
Figure 3 : Critères photothermiques sur la période du 15 mars au 30 avril – station météo d’Estrées-Mons (80)
Figure 4 : Critères photothermiques sur la période du 15 mars au 30 avril – station météo de Baziège (31)
Des prévisions climatiques différenciées pour le Nord et le Sud
A partir du 27 avril, des conditions plus fraîches devraient faire leur retour, avec des gelées possibles sur certaines régions et toujours de l’instabilité dans le Sud. Le Nord-Est pourrait retrouver quelques averses ou giboulées mais dans des quantités insuffisantes pour atténuer la sécheresse.
Début mai devrait voir un retour progressif de températures plus douces et de conditions anticycloniques, avec une absence de pluie notable.
A confirmer !
Quelles conséquences sur les composantes de rendement ?
Compte-tenu de l’avancement des blés (dernière feuille à gonflement au Sud, 2 nœuds à dernière feuille au Nord), cette période sèche atteint en premier lieu la montée à épi, dans un contexte où les tallages étaient rarement excédentaires. Les peuplements d’épis risquent donc d’être très fortement limitants dans les contextes les plus stressés (eau et azote).
La fertilité épi se définit, chez le blé, sur une période légèrement plus tardive, jusqu’au stade dernière feuille-gonflement. Un rétablissement de conditions de croissance favorables autour du stade dernière feuille doit permettre une compensation partielle voire totale d’un défaut de peuplement d’épis.
La croissance de la culture doit être maximale dans l’intervalle dernière feuille-floraison : la biomasse créée lors de cette période constituera essentiellement des réserves remobilisables ultérieurement pour les grains, à la différence de la biomasse précoce souvent bloquée dans des tissus constitutifs (nombreuses tiges). Eau et azote doivent donc impérativement être raisonnés de pair, et un diagnostic azoté réalisé.