Les reliquats azotés en sortie d’hiver affichent des niveaux particulièrement élevés cette année et des doses prévisionnelles peuvent surprendre par leur faiblesse. Voici les préconisations selon la situation pour optimiser le potentiel de rendement et la qualité brassicole.
Les références historiques en craie : 172 essais sur 25 ans
La synthèse des essais (ARVALIS et partenaires régionaux : ACOLYANCE, ARVALIS, CA10, CA51, CAJ, CETA51, NOVAGRAIN, GRCETA AUBE, GRCETA TROYES, SCARA, SOUFFLET, VIVESCIA) montre que les doses optimales se situent principalement entre 100 et 200 kg N/ha en solution azotée. La dose pivot est en moyenne de 140-160 unités (selon le précédent : betteraves ou pailles). Ces doses optimales sont plus variables sur orge de printemps (+/- 50 kg N/ha autour de la dose pivot) que sur céréales d’hiver. Cette variabilité s’explique par les écarts de rendements entre années (+/- 10 à 20 q/ha), compte tenu du cycle court de la culture et de la sensibilité aux différents stress, des fournitures en azote du sol (% MO, apports organiques) et des couverts (légumineuses ou non), etc…
Des doses prévisionnelles dans la « norme » : cas des précédents « betteraves » et « pailles enfouies »
En précédent betteraves (environ la moitié des surfaces d’orge de printemps), les reliquats sortie d’hiver (RSH) moyens sont tout à fait dans la moyenne pluriannuelle : 56 kg N/ha en craie en 2017. La betterave a pu valoriser l’azote fourni par le sol durant l’été et limiter les RSH. Les doses totales d’azote qui en découlent sont habituelles (120-130 kg N/ha engrais solide = 140-150 kg N/ha en solution azotée).
En précédent pailles enfouies + CIPAN, les RSH moyens de l’année sont de 84 kg N/ha.
Ce RSH moyen s’élève à 96 kg N/ha en cas d’apport organique. Selon la méthode du bilan GREN (différentes hypothèses de potentiels de rendement, type de CIPAN…), les doses totales prévisionnelles s’échelonnent en moyenne autour de 120 – 150 kg/ha en solution azotée (autour de 110-130 kg N/ha en engrais solide). Ces doses sont donc relativement proches des optimums habituels (effet en grande partie lié au poste minéralisation des résidus qui provoque une augmentation de 20 unités de la dose totale en pailles enfouies).
En cas de potentiel élevé cette année nécessitant une dose d’azote plus importante, il est recommandé d’ajuster la dose en cours de végétation en réalisant un diagnostic N-Tester à 1-2 nœuds = 0 ou +30 unités.
Que penser des doses prévisionnelles de 100-120 kg N/ha en précédent pailles exportées ?
Avec un RSH moyen à 89 kg N/ha en précédent pailles exportées (+ 10 kg N/ha si apport organique), les doses totales prévisionnelles se situent entre 100-120 kg N/ha en solution majorée de 15 % (autour de 85-105 kg N/ha en engrais solide).
Dans les essais du passé avec des RSH élevés (> 90 unités), il est observé en tendance une économie possible d’environ 20 kg N/ha par rapport aux 140-160 unités de « dose pivot ».
Des doses optimales a posteriori autour de 100-120 unités ont déjà été observées (tableau 1) pour les années 1994-1995-1996-2005-2006-2007, avec des rendements moyens de 70-80 quintaux/ha. Il est donc possible que ces doses prévisionnelles soient proches de la réalité.
Le risque de partir sur une dose de 100-120 kg N/ha est limité, puisque s’il y a carence, il est possible d’ajouter + 30 unités avec le diagnostic N-Tester pour atteindre une dose totale proche de la dose habituelle de 140-150 kg N/ha.
Tableau 1 : RSH, rendement et doses optimales à posteriori par année à partir d’une base de 172 essais ARVALIS et partenaires régionaux
Cas des RSH très élevés (> 125-150 kg N/ha) : doses entre 40-80 unités
Sur environ 10 % des parcelles, les RSH sont très élevés avec plus de 125 kg N/ha sur deux horizons, amenant à des doses prévisionnelles très faibles.
Des RSH aussi élevés ne sont quasi jamais vu historiquement, ils n’ont été relevés que dans deux essais sur 172 au total. Dans un cas, la dose optimale a posteriori était de 85 kg N/ha (avec 180 kg N/ha de RSH), dans l’autre 140 kg N/ha avec 130 kg N/ha de RSH…
Dans certains cas, même avec des fournitures du sol élevées, de mauvaises efficacités des engrais apportés liées aux conditions climatiques ont conduit à des doses au final dans la moyenne 140-160 u.
Par ailleurs, la question se pose de la disponibilité de la totalité du RSH pour la plante (besoin d’humidité/eau pour être absorbé par les racines, pluies au mois de mars, etc…) : il n’y a pas de références actuelles en craie.
Ces situations avec des doses très faibles sont risquées car le rattrapage de 30 unités avec un outil de pilotage pourrait ne pas suffire pour tendre vers une dose suffisante pour assurer le potentiel de rendement et protéines. Le bon sens agronomique inviterait à prendre du recul par rapport à ces valeurs extrêmes, et se baser sur le RSH moyen mesuré cette année comme valeur de référence pour les calculs.
Dans tous les cas, le recours au pilotage N-Tester permet des grains de 6 quintaux par ha et de 1 % de protéines si le conseil est de + 30 u.
Depuis 2016, il est possible d’utiliser le N-Tester sur orge. Pour cela, une bande sur-fertilisée dès le semis (+ 80 kg N/ha) est à prévoir. L’analyse réalisée à partir d’1 nœud permet de voir si la dose prévisionnelle est limitante ou non, auquel cas, un troisième apport de 30 kg N/ha sera conseillé entre 1 et 2 nœuds. Ce troisième apport bénéficie d’une meilleure efficacité et permet de gagner en moyenne 6 q/ha (jusqu’à 13 q/ha) et 1 % de protéines lorsqu’il est conseillé.
Les moyens d’améliorer l’efficacité des apports
En moyenne, l’efficacité des apports d’azote sur orge de printemps en craie est de 60 % (CAU : 60 unités efficaces pour 100 apportées). Que la dose soit faible ou pas, rechercher la meilleure efficacité des apports est une source de gains de production, de qualité, d’économie et de préservation de l’environnement.
Pour améliorer l’efficacité, privilégier :
– des conditions météo optimales : peu de vent, pluies annoncées,
– enfouissement de l’apport de solution azotée au semis : permet de limiter les pertes par volatilisation et un gain de 10 % d’efficacité en moyenne,
– fractionnement : en cas de RSH élevé 1/3 au semis 2/3 à tallage,
– formes solides (Ammonitrate, Nexen).
Téléchargez :
• la plaquette calcul méthode du bilan GREN Champagne-Ardenne
• la synthèse des reliquats sortie hiver 2017 Champagne-Ardenne
Alexis DECARRIER, Mélanie FRANCHE, Philippe HAUPRICH (ARVALIS – Institut du végétal), Bastien REMURIER (ARVALIS – Institut du végétal)