Les alternances de températures douces il y a quelques jours, puis à nouveau fraîches voire froides ces jours-ci, dans un contexte d’humidité persistante, impactent directement le développement des céréales à paille et limitent la possibilité d’une reprise franche de la végétation.
Un hiver globalement très doux…
A l’échelle France, le cumul des températures moyennes entre le 1er octobre 2019 et le 28 février 2020 est proche de 200°Cj. Il est supérieur à la moyenne pluriannuelle 1999-2019, avec une douceur particulièrement marquante dans le Centre-Est (carte 1).
Ce début de campagne est parmi les plus chauds des 20 dernières années (au-dessus du décile 9). Cela se traduit notamment par un nombre de jours de gel particulièrement bas, à un niveau observé uniquement 1 ou 2 années sur 10.
Carte 1 : Un début de campagne marqué par une extrême douceur, surtout dans le Centre-Est
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Une humidité persistante qui pénalise les cultures
En parallèle, les précipitations ont été importantes : entre 50 et 200 mm de plus qu’une année moyenne (carte 2). Ceci est lié à de nombreux épisodes de pluie : près de 85 jours avec précipitations, contre 65 en valeurs moyennes. Ainsi, en dépit d’ETP plus élevées que les autres années, l’excès d’eau est donc un marqueur important de ce début de campagne.
Carte 2 : Des excès d’eau quasiment partout
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Des stades potentiellement précoces mais affectés par les semis tardifs et l’excès d’eau
Une telle douceur devrait avoir un impact très fort sur le développement des cultures. A date de semis normale, les blés sont en avance de 2 semaines. Cependant, cet effet est actuellement très contrasté, pour trois raisons :
– l’excès d’eau agit comme un frein sur le métabolisme des plantes, à la fois à travers l’anoxie qui touche les racines et le maintien d’une température du sol assez faible ;
– les semis ont été très étalés. Si les premiers semis sont souvent beaux, bien tallés et en avance, les semis tardifs réalisés dans des conditions difficiles souffrent fortement de l’hydromorphie ;
– les parcelles précoces ont pu profiter de la douceur observée entre le 20 et le 25 février pour atteindre et dépasser le stade épi 1 cm, alors que les parcelles tardives vont être fortement freinées par l’épisode de froid actuel.
Les différences de stade entre parcelles de blé (blé tendre et blé dur) vont donc être exacerbées cette année (cartes 3 et 4). L’orge est un peu moins concernée, car sa phénologie semble davantage contrôlée par la photopériode (carte 5). De plus, les semis de cette espèce ont été moins étalés dans le temps.
Carte 3 : Prévision d’atteinte du stade épi 1 cm pour du blé tendre semé à une date normale (variétés et date de semis ajustées à la région en moyenne pluriannuelle)
Carte 4 : Prévision d’atteinte du stade épi 1 cm pour du blé tendre semé avec 2 mois de retard (variétés et date de semis ajustées à la région en moyenne pluriannuelle)
Carte 5 : Prévision d’atteinte du stade épi 1 cm pour de l’orge d’hiver semée à une date normale (variétés et date de semis ajustées à la région en moyenne pluriannuelle)
Quelles conséquences sur la conduite des cultures ?
Les conditions particulières de ce début de campagne se traduisent par une forte hétérogénéité des parcelles, en termes de stade, de peuplement et de niveau de croissance, de qualité d’implantation, de pression sanitaire (adventices, viroses, maladies). Plus que jamais, les conseils, les décisions et les interventions devront être raisonnées à la parcelle.
Les conséquences sur la conduite des cultures sont multiples :
– D’une manière générale, les parcelles implantées tardivement présentent de faibles infestations, mais doivent faire l’objet d’une intervention de sortie d’hiver difficile à positionner dans les conditions actuelles. Les parcelles semées tôt présentent deux cas de figure : les situations en programme où les interventions ont bien fonctionné, encore propre aujourd’hui, et les situations où aucune intervention efficace n’a pu être menée en automne, actuellement très sales.
– Les parcelles semées précocement ont souvent été touchées par les insectes vecteurs de virus (JNO notamment). Les parcelles plus tardivement implantées montrent pour l’immédiat peu ou pas de symptômes, mais des inquiétudes persistent sur d’éventuelles infections tardives.
– Les parcelles précoces présentent parfois des risques estimés (par modélisation) ou avérés (observation de symptômes dans les parcelles) pour les maladies (rouille jaune, piétin).
– Les besoins en azote sont actuellement freinés par les températures faibles. Cependant, les faibles reliquats constatés et l’hydromorphie fréquente limitent les ressources accessibles. Des apports minéraux ont donc souvent été réalisés, ou vont devoir l’être rapidement, malgré un contexte climatique assez défavorable à leur bonne efficience.
Cécile GARCIA (ARVALIS – Institut du végétal)