Détourner les larves de taupins pour protéger les plantules de maïs est une stratégie qu’ARVALIS étudie depuis près de 20 ans. L’institut est en mesure aujourd’hui de préciser les conditions dans lesquelles la technique de plante-appât peut présenter une efficacité intéressante, mais aussi de décrire les limites de cette stratégie si sa mise en œuvre n’est pas optimale.
Le concept est simple : il s’agit de proposer une nourriture alternative, c’est-à-dire un appât, aux larves de taupins de telle sorte que celles-ci se détournent du maïs cultivé.
Les appâts, appliqués au semis, permettent ainsi d’abaisser l’exposition des maïs entre la levée et le stade 6-8 feuilles, période de grande sensibilité de la culture aux attaques de taupins.
Un mélange maïs-blé appâte mieux
Parmi les modalités étudiées, le meilleur niveau de protection est obtenu avec un appât constitué d’un mélange associant des grains de blé et de maïs. Si seul le blé est utilisé en appât, l’efficacité est plus limitée (figure 1). D’autres céréales (orge, avoine, triticale…) ont été évaluées en appâts, mais le mélange associant des grains de maïs et de blé présente à ce jour une efficacité plus régulière.
Les appâts constitués de matière inerte (issues de céréales ou graines qui ne germent pas) apportent une très légère efficacité, mais celle-ci est malheureusement insuffisante.
Figure 1 : Efficacité de la stratégie des plantes-appâts selon le type d’appât (blé seul ou en mélange avec du maïs)
Appliquer l’appât en plein avant de l’incorporer sur les 10-15 premiers centimètres
Les plantes-appâts doivent être positionnées à proximité du maïs cultivé pour apporter une protection intéressante. Cependant, plus les appâts sont proches de la ligne de semis, plus la concurrence exercée sur le jeune maïs sera importante. Le compromis le plus intéressant est donc d’appliquer les grains en plein sur le sol, par exemple avec un semoir centrifuge, puis de les incorporer dans la couche superficielle sur 10-15 cm de profondeur au cours des dernières préparations du sol pour constituer un maillage dans le sol. Ensuite, les larves de taupins qui remonteront des couches plus profondes du sol rencontreront les plantes-appâts plutôt que de se concentrer sur les graines de la ligne de semis de la culture à protéger.
Un semis plus précoce des plantes-appâts par rapport à la date de semis de la culture principale n’a pas permis d’améliorer l’efficacité de la stratégie dans nos conditions expérimentales (figure 2).
Figure 2 : Efficacité de la stratégie des plantes-appâts selon leur date de semis
Comment détruire les appâts dans le maïs développé ?
Cette stratégie présente des résultats intéressants, mais elle peut s’avérer plus nuisible qu’une attaque de taupins si les plantes-appâts ne sont pas détruites à temps car elles concurrencent rapidement la culture de maïs.
La stratégie apportant plus de sécurité consiste à utiliser des appâts à base de blé et de maïs sensibles à la cycloxydime, de semer une culture de maïs avec une variété tolérante à la cycloxydime puis de désherber au stade 3-4 feuilles à l’aide du produit commercial Stratos Ultra (à base de cycloxydime). Cet herbicide antigraminées permet de détruire les plantes-appâts sans augmenter le nombre de désherbage.
Une autre possibilité consiste à recourir à des plantes appâts autres que du maïs afin de les détruire avec une sulfonylurée. Cependant, dans nos conditions expérimentales, l’action de cette famille d’herbicide a été plus lente et la destruction des plantes-appâts plus aléatoire que lors d’application d’un produit à base de cycloxydime.
La destruction mécanique est également envisageable, c’est même la seule solution en agriculture biologique. Reste à trouver un compromis : soit les appâts sont répartis dans l’inter-rang ce qui facilite leur élimination grâce au binage mais diminue l’efficacité de la protection, soit les appâts sont appliqués en plein, ce qui assure une meilleure protection contre les taupins mais occasionne une nuisibilité sur la culture d’autant plus importante que le désherbage sur le rang sera compliqué (selon le matériel disponible).
La destruction des appâts est donc une étape à ne surtout pas négliger. Il est fortement recommandé de prendre en considération ce point critique dès l’élaboration de l’itinéraire technique, c’est-à-dire dans le choix de la variété de maïs (en privilégiant une variété tolérante au Stratos Ultra) et dans le choix de la stratégie de désherbage (chimique ou mécanique).
Participez à la recherche de solutions alternativesPour la troisième année consécutive, nous vous proposons de mettre en place un protocole expérimental en grandes parcelles pour tester la technique des plantes-appâts sur les larves de taupins.
Téléchargez le protocole « plante-appât pour taupin ».
Un formulaire vous permettant de saisir vos observations sera proposé prochainement (juste avant les semis). En fin de campagne, les contributeurs à cette recherche participative pourront accéder à une synthèse des résultats acquis par la communauté.
Appâtez bien !
Jean-Baptiste THIBORD (ARVALIS – Institut du végétal)