Si le choix d’une variété dépend du contexte régional, il dépend aussi de la conduite de culture. Irène Félix, ingénieure chez ARVALIS – Institut du végétal, évoque les principaux enjeux de l’adaptation du choix des variétés au mode de conduite.
Que signifie l’expression « variétés de blé adaptées à des itinéraires techniques allégés » ?
Irène Félix : ce sont des itinéraires caractérisés par une baisse des densités de semis, une baisse de la dose d’azote et un report du premier apport. Ils sont étudiés depuis plus de dix ans par le réseau « variétés et conduites de culture », dit réseau « blés rustiques », constitué de l’INRA, d’ARVALIS – Institut du végétal, de chambres d’Agriculture et d’un CIVAM.
Ces itinéraires facilitent une diminution, ou plus souvent une suppression des régulateurs de croissance et une diminution de la protection fongicide. Cela répond aux besoins d’agriculteurs dans des contextes particuliers comme les périmètres d’alimentation de captage, des cahiers des charges spécifiques ou un objectif de baisse de charges. Sans incitation et en raison de la baisse de rendement qu’elles occasionnent, ces conduites, au prix actuel du blé, ne sont toutefois pas rentables.
P. A. : Quelles variétés sortent du lot ?
I. F. : Depuis vingt ans, les variétés de blé tendre inscrites au catalogue français sont de plus en plus tolérantes aux maladies. Une synthèse des résultats obtenus dans le réseau sur une zone allant de la Bretagne à la Bourgogne, a montré que des variétés récemment inscrites figurent parmi les variétés les plus performantes en conduite allégée en intrants. C’est le cas, par exemple, de Cellule, Lyrik et Grapeli en Bretagne, de Lyrik, Folklor et Attlass en Normandie, de Lyrik et Rubisko en Ile-de-France ou encore d’Oregrain et Ascott en Poitou.
Dans les régions à rouille jaune, il est impératif d’écarter les variétés sensibles à cette maladie qui démarre trop tôt pour être maîtrisée par un traitement fongicide unique. Une sensibilité moyenne ou faible à la septoriose est également recommandée. Le risque de rouille brune est moindre, la pression étant atténuée par la baisse de densité et l’alimentation retardée en azote.
P. A. : D’autres critères d’adaptation sont-ils à prendre en compte ?
I. F. : Les parcelles versent moins en conduite à coût réduit, du fait de la baisse de densité et du retard d’apport d’azote. La tolérance à la verse des variétés n’est donc pas une clé de choix incontournable.
Dans les milieux peu fournisseurs d’azote, certaines variétés compensent mieux que d’autres la baisse de densité et le retard d’alimentation azotée. Grâce à un fonctionnement photosynthétique préservé (faible pression maladies, stress hydrique retardé du fait d’une moindre biomasse), elles rattrapent la baisse du nombre d’épis par la formation de plus de grains par épi et conservent un bon niveau de poids de mille grains. Orvantis, performante en itinéraire allégé malgré sa forte sensibilité aux maladies, en était l’illustration. Inversement, certaines variétés souffrent plus que d’autres de la restriction d’alimentation azotée précoce. Elles se retrouvent plutôt mal classées, en particulier dans les milieux argilo-calcaires pauvres en azote. C’était le cas, il y a quelques années, de Caphorn, malgré sa tolérance aux maladies. C’est aussi celui de Goncourt.
Benoit MOUREAUX (Perspectives Agricoles)