En Normandie, les surfaces en herbe sont nombreuses mais peu utilisées en rotation avec des cultures. Le maïs ensilage, second pilier de l’alimentation des vaches laitières, est alors souvent conduit en monoculture. Une expérimentation propose une reconception de ces systèmes en intégrant des prairies pluriannuelles et du blé en rotation avec le maïs.
Ce système de polyculture-élevage a été testé de 2011 à 2016 sur la station expérimentale de La Blanche Maison (50). Conçu dans le cadre du projet DEPHY Lait Ouest, son objectif est de créer des références afin d’améliorer la triple performance des systèmes laitiers (performances économiques, environnementales et sociales).
Sur le plan environnemental, il s’agit de réduire autant que possible l’utilisation de produits phytosanitaires du système de culture. Pour cela, la rotation accueille une alternance de cultures de printemps et d’automne.
Les adventices étant les bioagresseurs les plus préoccupants sur maïs ensilage, et donc les principaux pourvoyeurs d’IFT, c’est sur leur maîtrise que se concentre la stratégie de pilotage du nouveau système.
Le désherbage du maïs et du blé est réalisé de manière mécanique autant que possible, mais un rattrapage chimique est effectué s’il s’avère nécessaire. En moyenne, 1 à 2 passages de herse étrille sont réalisés en blé et maïs, auxquels s’ajoutent 3 passages de bineuses en maïs.
Pour compléter cette stratégie, les semis du blé sont retardés (après le 15 novembre) et des faux-semis sont réalisés avant blé et maïs, sous réserve que la météo le permette.
Des résultats qui indiquent une reconception efficace du système de culture
Le système de culture testé est comparé aux systèmes de culture présents sur la station expérimentale à la même période, qui correspondent à une monoculture de maïs et à des prairies de longue durée.
L’introduction de prairies dans la rotation et l’utilisation en dernier recours seulement d’herbicides en maïs a permis d’obtenir des rendements supérieurs, à la fois en maïs (comparé à une situation de monoculture) et en prairies multi-espèces de 3 ans (comparé à une prairie multi-espèces de longue durée).
Les valeurs alimentaires sont également supérieures, en termes de MAT et d’UFL (figure 2).
Figure 1 : Rendements obtenus pour chaque culture de la rotation du système testé
* PME = prairies multi-espèces, exclusivement fauchées et composées de ray-grass anglais, fétuque, fléole, dactyle, trèfle violet, trèfle hybride et trèfle blanc.
Figure 2 : Performances qualitatives des fourrages (en kg MAT/ha et UFL/ha) produits dans le système innovant comparés aux systèmes de référence (essais 2012 à 2014)
Le désherbage mixte en maïs offre le meilleur compromis technico-économique et environnemental
De 2012 à 2014, les performances de trois stratégies de désherbage du maïs ont été comparées :
• Désherbage 100 % chimique : deux traitements à base d’un mélange (0,4 l/ha de Milagro + 0,4 l/ha de Callisto + 4 g/ha de Peak) ;
• Désherbage mixte : un traitement chimique (même mélange) puis 1 rattrapage mécanique à la bineuse ;
• Désherbage 100 % mécanique : 2 passages de herse étrille + 3 passages de bineuse.
Afin de juger de l’efficacité des différentes modalités, les critères de résultats techniques, de temps de travail, de consommations de carburant et d’émissions de GES direct ont été relevés.
Au plan technique, l’efficacité du désherbage mécanique est très proche du désherbage chimique (respectivement 92 % et 93 %). Par contre, le désherbage mixte présente les meilleurs résultats avec une efficacité de 96 % (figure 3).
Figure 3 : Nombre d’adventices comptabilisées sur une surface de 4000 cm2 dans les modalités testées (données 2013)
Un suivi de la flore adventice a été réalisé avant chaque intervention de désherbage, sur 2 rangs et 2 inter-rangs, puis un dernier dénombrement a lieu au recouvrement de l’inter-rang par le maïs.
Au plan socio-économique, le temps consacré au désherbage mécanique est 3 fois plus important que pour le désherbage chimique (tableau 1). Ce dernier, du fait d’un nombre de passages réduit, a un plus faible coût que le désherbage mécanique.
L’impact carbone de la stratégie tout chimique sur le changement climatique est 6 fois moins important que la stratégie tout mécanique.
Le désherbage mixte offre un bon compromis en agriculture conventionnelle pour améliorer les performances économiques et environnementales. Cette stratégie permet de diminuer l’impact carbone quasiment par 4 par rapport à la stratégie tout mécanique, d’utiliser moitié moins de produits phytosanitaires et d’avoir le coût le moins importants avec seulement 56 €/ha.
Tableau 1 : Indicateurs socio-économiques de différentes stratégies de désherbage du maïs (données 2013)
En résumé
Cette expérimentation confirme la pertinence de leviers agronomiques lorsqu’ils sont intégrés dans un système de culture. Certaines combinaisons de leviers sont transférables en exploitation dès aujourd’hui, sans remettre en question les systèmes actuellement pratiqués dans la région.
On peut citer par exemple :
- la présence de prairies dans la rotation apporte de nombreux avantages, dont la faible utilisation de produits phytosanitaires, un excellent effet précédent sur le maïs (améliorant les rendements pour le maïs mais aussi pour la prairie en rotation) et une meilleure qualité de production.
- le décalage de la date de semis réduit la levée d’adventices dans le blé.
- le faux-semis, combiné au désherbage mécanique, offre une meilleure gestion des adventices quand les conditions météorologiques le permettent.
En parallèle, des pistes d’améliorations ont été identifiées et devront être étudiées. La première concerne la destruction de la prairie, qui doit être faite le plus tôt possible en sortie d’hiver pour se passer d’un traitement herbicide sur le maïs suivant. Par ailleurs, l’utilisation des mélanges de variétés devra être testée comme piste d’amélioration de la culture de blé.
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