A ce jour, toutes les conditions climatiques sont réunies pour provoquer une attaque importante de septoriose, comme l’indique notre modèle de prévision de risque, Septo-LIS®. Les traitements fongicides sont donc à adapter à la situation, notamment pour les variétés sensibles, les plus exposées. Le point sur l’évolution de l’épidémie et les stratégies à adopter.
Des éléments actuels en faveur du risque « septoriose »
L’automne et l’hiver particulièrement doux ont permis d’entretenir l’inoculum de septoriose. Depuis le début de la montaison, les pluies s’enchainent sur le secteur Champagne-Ardenne : il a plu deux jours sur trois durant le dernier mois (Figure 1). L’inoculum étant bien présent en sortie hiver, chaque pluie est une pluie contaminante, qui affecte les étages foliaires les uns après les autres, au fur et à mesure de l’émission des feuilles.
Figure 1 : Fréquence de pluies du 25.03 au 25.04 (2006 à 2016)
Station météo INRA de Fagnières (51)
Pour relativiser…
Le niveau de risque actuel ne reflète pas forcément la nuisibilité finale. En effet, le climat de mai-juin sera déterminant : risque élevé si pluies continues, ou risque limité en cas de sécheresse.
La comparaison des données sur les f2 du moment dans le réseau BSV (Figure 2) indique un pourcentage de F2 atteintes supérieur aux années précédentes, ce qui place l’année à risque à ce jour. Néanmoins, d’importants symptômes en début de printemps n’impliquent pas toujours une nuisibilité élevée à la récolte : en 2010, les symptômes étaient fortement présents en avril-mai, pour une nuisibilité moyenne de 9 q/ha (sécheresse en mai-juin).
Figure 2 : Comparaison du pourcentage de f2 du moment atteintes par la septoriose (source : BSV)
Le cours du blé est actuellement bas, donc le rapport technico-économique peut également être adapté à la situation. A titre d’exemple, le tableau de la figure 3 repositionne la dépense fongicide optimale en fonction du prix du blé.
Figure 3 : dépense optimale fongicides (septoriose) en fonction de la nuisibilité attendue et du prix du blé
Des tâches sur les dernières feuilles, mais pas toujours de la septo
Cette année, on observe fréquemment des taches sur les dernières feuilles dans les parcelles de blé, tâches bien visibles de la route (photo 1). La variété la plus citée est Trapez, il s’agit souvent de la f2 du moment (=F3 définitives). Dans ce cas, après vérification, il s’agit bien de septoriose.
Des tâches sont aussi signalées sur des variétés plus résistantes comme Fructidor (F1 ou F2 du moment). Mais dans ce cas après vérification, il ne s’agit pas de septoriose mais de symptômes physiologiques-climatiques.
Photo 1 : taches sur les dernières feuilles de la variété Trapez
Comment vérifier l’origine des tâches ?
Prendre un échantillon et regarder la répartition des tâches sur les différents étages foliaires
-> si la F1 ou F2 du moment est touchée, et que la F3 est indemne de symptômes, il s’agit de taches physiologiques
-> si la F1 ou F2 du moment est touchée, et que la F3 l’est également, il pourrait s’agir de septoriose => à confirmer par la méthode « chambre humide ».
NB : le gradient de symptômes pour la septoriose va du bas vers le haut de la plante. En revanche, les taches physiologiques touchent les feuilles du haut, les feuilles du bas étant le plus souvent indemnes.
Figure 4 : Distinction entre septoriose et taches physiologiques
Si des doutes persistent, il est judicieux de réaliser une chambre humide (Figure 5) : cette technique permettra d’observer les pycnides et les cirrhes contenant les spores de septoriose qui en sortent (Photo 2).
Figure 5 : comment faire une chambre humide ?
Photo 2 : septoriose à la loupe après chambre humide de 24h –
Les points noirs correspondent aux pycnides dont sortent des cirrhes blanches :
cela permet de valider le diagnostic septoriose.
Photo 3 : après chambre humide 24h, absence de pycnides et de cirrhes, on visualise
uniquement des fructifications sous la forme de poils noirs : champignons secondaires.
Quelle stratégie adopter ?
Dans le cas d’un programme précoce avec le premier traitement réalisé à 1 nœud, il serait préférable sur variétés sensibles de ré-intervenir avant Dernière Feuille Etalée compte tenu du nombre de contaminations, donc à Dernière Feuille Pointante (début mai) pour plusieurs raisons :
– le T1 à base de chlorothalonil a été en grande partie lessivé par les pluies
– le délai de persistance du T1 va être dépassé entre 1 nœud et dernière feuille étalée (10-15 mai) : soit 4-5 semaines. Ce phénomène est amplifié avec le ralentissement des stades lié au froid.
– pluies contaminantes quasi continues depuis fin mars.
La stratégie à adopter sur variétés sensibles en cas de T1 précoce est donc quatre traitements :
-> T1 bis à Dernière Feuille Pointante: à base de [triazoles+chlorothalonil], [triazoles+folpel], [triazoles+prochloraze], à Dernière Feuille Pointante en attendant dernière feuille étalée
-> T2 à Dernière Feuille Etalée : à base de SDHI+triazole, à Dernière Feuille Etalée
-> T3 : à floraison.
Dans le cas d’un programme avec premier traitement à 2 nœuds (par exemple cette année sur variétés sensibles pilotées avec Septo-LIS®), le délai T1-T2 à dernière feuille étalée est idéal (<3-4 semaines). La stratégie est de revenir en T2 à Dernière Feuille Etalée, avec la SDHI+triazole. Le T1 plus tardif permet d’économiser un passage sans pour autant compromettre la protection des 3 dernières feuilles définitives. Le T3 sera à prévoir à floraison.
Dans le cas d’un programme avec déclenchement à Dernière Feuille Pointante (exemple variétés moyennement sensibles avec Septo-LIS®), compte tenu de la pression actuelle, il convient d’aménager la stratégie. Deux options sont possibles :
– passer en trois traitements : Dernière Feuille Pointante (petit T1 à base de chloro par exemple) – Dernière Feuille Etalée (triazole+SDHI) – floraison. C’est la stratégie optimale sans prise de risque, la dernière feuille sera complètement protégée. Compte tenu des contaminations, l’attente de la dernière feuille étalée pour le T1 entrainerait une protection trop tardive sur ce type de variétés.
– ou passer en deux traitements : Dernière Feuille Pointante (triazole+SDHI) en avançant éventuellement le dernier traitement de floraison à épiaison voire gonflement en cas de fortes pluies après DFE. Compte tenu de la pression, maintenir l’enveloppe fongicide au moins à 60-70€/ha. Les essais par le passé ont montré que cette stratégie en deux traitements est également efficace dans des niveaux de pression <20-25 q/ha (Figure 6).
Figure 6 : Gain de rendement fongicides moyen (septoriose) entre une stratégie
3 traitements et plusieurs stratégies 2 traitements (regroupement 4 essais région Nord)
Enfin, pour les variétés dites résistantes, la stratégie 2 traitements avec un T1 à Dernière Feuille puis un T2 à Floraison s’applique.
Alexis DECARRIER, Mélanie FRANCHE, Philippe HAUPRICH (ARVALIS – Institut du végétal)
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