Deux séries d’essais menés par ARVALIS en chambres climatiques ont précisé l’effet de l’humidité du sol et du froid sur les performances des sulfonylurées.
Trop souvent oubliée, l’absorption par les racines des herbicides de la famille des sulfonylurées est parfois aussi importante que leur pénétration foliaire. Leur utilisation sur un sol frais est donc primordiale pour favoriser cette voie d’absorption. D’après les résultats d’un essai réalisé en chambres climatiques sur vulpin, leur efficacité est d’autant plus élevée que le sol est humide (figure 1).
Lors de ces expérimentations, les spécialités Atlantis WG (mésosulfuron + iodosulfuron) et Kalenkoa (mésosulfuron + iodosulfuron + diflufénicanil) ont été testées soit à pleine dose (500 g/ha pour Atlantis WG et 1 l/ha pour Kalenkoa), soit à une dose modulée (respectivement 300 g/ha et 0,8 l/ha). L’essai a été mené en conditions optimales : 80 % d’hygrométrie de l’air, photopériode de 12 heures, et températures de 10°C la nuit et 15°C le jour. Seule l’humidité du sol variait : 40 % de la saturation du sol, 60 %, 80 % et 100 %.
Figure 1 : Efficacité d’Atlantis WG et Kalenkoa à contrôler le vulpin en fonction du pourcentage de saturation en eau du sol
Notations réalisées 30 jours après traitement
Désherber tôt pour profiter de l’humidité du sol
Pour un sol saturé à 100 %, la pleine dose d’Atlantis WG a offert la même efficacité que Kalenkoa à pleine dose ou à dose modulée. En revanche, l’efficacité d’Atlantis WG à pleine dose diminue d’autant plus que la saturation du sol diminue. L’effet est encore plus marqué à dose modulée.
Au contraire, Kalenkoa supporte relativement bien la réduction de dose, et son efficacité baisse plus légèrement avec la diminution de la saturation du sol.
Ces résultats montrent que le mésosulfuron et l’iodosulfuron, deux substances actives de la famille des sulfonylurées, sont pénalisées en conditions de sol « sec ». Pour Kalenkoa, la présence de diflufénicanil (DFF) et la formulation OD (dissout dans l’huile) semblent compenser partiellement la perte d’efficacité des deux substances actives en conditions d’humidité faible.
De même que les essais mesurant la nuisibilité des adventices sur le rendement montrent qu’il vaut mieux intervenir sur des adventices jeunes pour en assurer le contrôle, cet essai confirme l’intérêt des désherbages précoces : les conditions de sol « humide » se rencontrant plus fréquemment fin février que fin mars.
Les mélanges compensent des conditions météo défavorables
En conditions de stress hydrique, les sulfonylurées peuvent donc se trouver en situation d’échec. Dans ce cas, leur association avec des molécules strictement foliaires moins sensibles à l’humidité du sol peut sécuriser l’efficacité du désherbage. C’est ce qui ressort d’un essai conduit en chambre climatique avec un herbicide de la famille des sulfonylurées, à mode d’action foliaire et racinaire, et un herbicide de la famille des DEN, à mode d’action strictement foliaire. L’efficacité de ces produits, utilisés seuls ou en mélange, a été étudiée sur vulpin. Les notations d’efficacité ont été réalisées 26 jours après le traitement. Durant ce laps de temps, trois scénarios climatiques ont été simulés :
– Des conditions normales : 3°C la nuit et 8°C le jour pendant les dix jours suivant le traitement, puis 7°C la nuit et 11°C le jour sur un sol à 60 % de saturation.
– Des conditions froides : -4°C la nuit et 2°C le jour pendant dix jours, puis 7°C la nuit et 11°C le jour, sur un sol à 60 % de saturation.
– Des conditions de stress hydrique : amplitudes de températures identiques aux conditions normales mais avec un sol à 40 % de saturation.
L’herbicide sulfonylurée appliqué seul fournit des efficacités insuffisantes en conditions de stress (froid ou manque d’eau) et faibles en conditions normales (figure 2). Deux raisons peuvent expliquer cette contre-performance. Premièrement, les sulfonylurées sont sensibles à l’humidité du sol : avec 60 % de saturation au mieux, les conditions testées leur sont donc particulièrement défavorables. Deuxièmement, les notations sont réalisées 26 jours après le traitement : c’est court pour que cette famille d’herbicides ait le temps d’agir.
Figure 2 : Influence des conditions climatiques sur l’efficacité des herbicides foliaires et sulfonylurées, seuls ou en mélange, sur vulpin
Applications réalisées en conditions difficiles (4°C nuit et jour). Seul ou en mélange, chaque herbicide est utilisé à pleine dose. Notations d’efficacité réalisées 26 jours après traitement pour trois scénarios climatiques.
De son côté, l’herbicide foliaire appliqué seul semble moins sensible que la sulfonylurée aux conditions difficiles, et particulièrement au stress hydrique.
Leur mélange obtient, en revanche, de meilleures efficacités que l’herbicide foliaire seul, quelles que soient les conditions testées – et même 100 % d’efficacité en conditions difficiles. Le recours à un tel mélange, aux molécules à modes d’action différents, contrôlerait mieux le vulpin parce que les conditions d’efficacité requises pour chacune des substances actives sont différentes. Les sulfonylurées apporteraient notamment un « plus » quand les conditions post-applications deviennent froides.
Cependant, cette solution n’est qu’un palliatif ultime pour les parcelles infestées de vulpins où il serait, en fait, préférable d’intervenir dès l’automne.
Les herbicides seuls ne peuvent répondre à une gestion durable des adventices
Des leviers agronomiques mis en œuvre avant même l’implantation des céréales à paille optimiseront l’efficacité des herbicides. Leur mise en œuvre est même indispensable en présence de graminées résistantes dans les parcelles. Un seul objectif : diminuer le nombre d’adventices qui lèveront dans la culture. Le choix des leviers les plus efficaces dépend du contexte pédoclimatique et du matériel disponible (tableau 1). N’attendez pas d’avoir des infestations élevées avant de réagir : il sera alors plus difficile de revenir à des situations maîtrisées.
Tableau 1 : Efficacité des leviers agronomiques les plus courants en fonction de la nature de l’adventice
Lise GAUTELLIER VIZIOZ (ARVALIS – Institut du végétal)