La protection des céréales contre la JNO vise les pucerons vecteurs de virus. Les traitements insecticides foliaires disponibles, agissant par contact, s’appliquent en présence des insectes sur les plantes. Ils seront au besoin à renouveler face à de nouvelles infestations. La surveillance des céréales à paille à l’automne est alors indispensable pour décider d’une éventuelle intervention. Retour sur les quelques règles pratiques à suivre pour repérer les pucerons.
Plusieurs espèces, qui se nourrissent de céréales à paille à l’automne, sont capables de transmettre des virus B/CYDV de la JNO. Si l’espèce Rhopalosiphum padi est la plus fréquemment observée, d’autres sont également nuisibles !
Ainsi, les prélèvements de près de 3000 pucerons présents dans nos essais d’orges, situés principalement au sud de la Loire (de 2013 à 2018), mettent en évidence une forte diversité d’espèces. L’espèce Rhopalosiphum padi arrive en tête, avec une fréquence moyenne proche de 40 %, mais elle n’est pas forcément majoritaire partout et chaque année. En deuxième position, on retrouve Sitobion avenae, espèce également bien présente et parfois majoritaire (30 %). Ensuite, c’est Rhopalosiphum maidis (20 %), avec de fortes variations selon les sites et années, et parfois majoritaire. En lien avec la localisation de nos essais, Metopolophium dirhodum affiche une faible fréquence (2 %). L’espèce Schizaphis graminum est également recensée (2 %), ces deux dernières espèces ne se sont jamais avérées majoritaires.
Ces différents pucerons peuvent provenir de réservoirs variés, avec des arrivées non simultanées dans les parcelles. Ceci vient renforcer la nécessité d’une surveillance prolongée dans les parcelles pour le positionnement du traitement, et au besoin son renouvellement.
Le développement des infestations est sous la dépendance de nombreux facteurs parmi lesquels le climat occupe une place prépondérante. Mais d’autres facteurs, comme la qualité nutritive des plantes hôtes, l’arrivée de nouveaux pucerons, peuvent également influer sur l’évolution des infestations.
1re étape : repérer les vols
La colonisation des parcelles commence par l’arrivée de pucerons ailés. Ils se déplacent par temps calme et ensoleillé, avec un seuil thermique d’envol proche de 10-12°C. En vol passif, à la faveur des courants aériens, ils peuvent ainsi parcourir de grandes distances.
Deux types d’outils permettent évaluer l’activité de vol des pucerons :
– la tour à succion : elle capture les pucerons ailés à 12 mètres de haut et fournit une indication hebdomadaire des flux de pucerons à une échelle territoriale (dans un rayon d’une trentaine de kilomètres autour de la tour). Malheureusement, le nombre de tours opérationnelles est trop restreint pour aider à la prise de décision sur tout le territoire.
– les pièges chromatiques (plaques jaunes engluées, cuvettes jaunes) : ils donnent une indication sur l’atterrissage des pucerons dans la petite zone de la parcelle où le piège est positionné. Mais l’état des pucerons sur pièges englués, ou le manque de compétences pour identifier les espèces présentes dans les cuvettes, ne permettent pas de quantifier les individus des espèces à risque pour les céréales. Une forte abondance de pucerons sur de tels pièges témoigne de conditions favorables à une activité de vol (et donc de possibilités de colonisation) sans présager directement de l’infestation de la parcelle de céréales car les captures peuvent concerner des espèces non inféodées aux graminées.
La capture de pucerons via ces outils doit inciter – encore plus – à réaliser des observations directement sur les plantes dans la parcelle afin de vérifier et quantifier leur abondance.
La colonisation d’une parcelle pouvant également se faire par les bordures (haies, bandes enherbées, etc.), suite aux vols actifs possibles sur de courtes distances lorsque la vitesse du vent est faible. Une faible abondance de pucerons dans les tours à succion ou dans les pièges chromatiques ne garantit pas l’absence de tout risque pour la parcelle. C’est pourquoi l’observation sur plantes ne doit pas être négligée.
1- Différentes espèces de pucerons vectrices de la JNO sur céréales à paille : représentation de leurs formes aptères
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2- Espèce Rhopalosiphum padi : les différentes formes
2e étape : observer précisément les plantes
La diffusion de la maladie dans la parcelle va dépendre du développement des colonies de pucerons qui dispersent les virus. La rapidité de leur développement augmente très fortement avec la température, jusqu’à 25°C environ. Les jeunes larves aptères produites se nourrissent sur la plante infectée, acquièrent à leur tour les virus et contaminent les plantes voisines en se déplaçant de plante à plante. Elles provoquent ainsi la dissémination de l’infection virale dans la parcelle. Les foyers de JNO sont plus ou moins étendus selon l’abondance des populations et la durée des conditions climatiques favorables à leur présence.
Si les conditions météorologiques sont peu favorables, leur présence laissera des traces plus ou moins visibles, au printemps, avec quelques pieds atteints épars ou des petits ronds, témoins des lieux d’atterrissage des ailés.
CONCRÈTEMENT, COMMENT RÉALISER LES OBSERVATIONS ?
• Observer – dès la levée – des séries de 10 plantes réparties sur plusieurs lignes de semis (≥ 5) et compter les plantes abritant un ou plusieurs pucerons (quelle que soit l’espèce) pour déterminer le pourcentage de plantes habitées.
• Privilégier les zones à risque (proche de haies ou de réservoirs potentiels tels que des bandes enherbées, jachères, maïs…).
• Réaliser les observations par beau temps, durant les heures les plus chaudes du début d’après-midi. A ce moment-là, les pucerons sont montés sur les feuilles et plus faciles à observer. Le matin, ils se cachent au pied du feuillage. Si les conditions sont pluvieuses, venteuses, avec une forte couverture nuageuse, ou si il est trop tôt ou trop tard dans la journée, les observations sont nettement plus difficiles à réaliser. En conditions d’observations non optimales, l’absence de puceron ne permet pas de conclure sur l’absence de risque. Il est alors préférable de renouveler l’observation lorsque les conditions sont à nouveau favorables.
Cette observation est relativement facile à réaliser entre la levée et le stade 3 feuilles des céréales. Lorsque la culture a dépassé le stade 3 feuilles, le dénombrement des plantes habitées devient laborieux, les pucerons peuvent se réfugier à la base des plantes ce qui rend leur détection nettement plus aléatoire.
Mais si les conditions météorologiques continuent d’être douces et ensoleillées, il est recommandé de poursuivre la surveillance, même après un traitement insecticide.
3e étape : de l’observation à la protection
En théorie, le risque de jaunisse varie selon les pucerons, leur charge en virus et leur capacité à les transmettre. Mais en pratique, il est impossible de disposer rapidement de ces dernières informations. Par conséquent, la décision de traiter se fera uniquement en tenant compte de la présence des pucerons sur plantules avec les recommandations indicatives suivantes :
– intervenir si la fréquence de plantes habitées par au moins un puceron est supérieure à 10 %,
ou
– intervenir si des pucerons sont observés plus de 10 jours, quelle que soit la fréquence de plantes habitées, afin d’endiguer la colonisation de la parcelle.
Ces recommandations sont établies sur la base de suivis d’infestation réalisés avant tallage. Elles ne peuvent pas, en l’état actuel, être directement appliquées sur toute la période à risque. Celle-ci peut dépasser le stade tallage (repère non établi, effets possibles des espèces et variétés cultivées, des espèces virales…). La surveillance doit être poursuivie pour renouveler la lutte si besoin.
Des températures froides ralentissent leur activité
Des conditions très froides prévues à brève échéance peuvent avantageusement se substituer à une intervention (ou ré-intervention) insecticide, à condition que les prévisions soient justes !
Des températures froides (< 5°C) vont ralentir l’activité des pucerons sans pour autant les tuer. Les paramètres biologiques étant très dépendants des espèces et de l’adaptation des populations au milieu, il n’est pas possible de définir de seuils climatiques précis. Ainsi, au laboratoire, les températures létales varient de 0°C pour R. padi, et en dessous de – 8°C pour Sitobion avenae ou Metopolophium dirhodum (source : INRA-Agrocampus Rennes, UMR BiO3P). Au champ, la culture protège les individus qui peuvent alors survivre à des températures basses même si leur activité est alors très réduite. Elle peut reprendre à la faveur de nouvelles conditions plus adaptées.
Jean-Baptiste THIBORD (ARVALIS – Institut du végétal)