De nouveaux essais ont permis d’évaluer l’efficacité de programmes « tout automne » comprenant trois applications : en prélevée, à 1-2 feuilles et enfin, à 3 feuilles-début tallage. Résultat, ils apportent peu en termes d’efficacité par rapport aux programmes en deux passages, avec un risque élevé de phytotoxicité, que ce soit sur vulpin ou sur ray-grass.

Dans les situations à forte infestation et/ou avec des problèmes de résistance, une troisième application d’automne peut être envisagée. Elle reste toutefois conditionnée par les spécialités utilisées en prélevée et postlevée précoce et par les possibilités d’intervention dans les parcelles.

Blé tendre : de faibles gains d’efficacité sur ray-grass en triplant les interventions

A l’automne 2015, deux modalités avec triple application ont été comparées à un programme en double : la première s’est appuyée sur un fractionnement du passage de prélevée avec des produits passés à dose pleine ; pour la seconde, un troisième produit a été rajouté au stade début tallage.

 

Dans le cas du premier programme triple, le fractionnement de la prélevée et l’augmentation des doses de Trooper et de Tolurgan apportent seulement 2 points d’efficacité en plus par rapport au programme double automne, avec 97 % d’efficacité contre 95 % (figure 1).

Avec le second programme qui affiche 98 % d’efficacité, le gain atteint 3 points (attention, en cas de résistance aux inhibiteurs de l’ALS, aucun apport ne sera visible). Le programme double étant d’un bon niveau, les gains d’efficacité espérés par une troisième application sont de toute évidence limités.

Ces deux programmes triples automne sont effectivement plus performants, sans atteindre toutefois 100 % d’efficacité ; mais le coût comme la faisabilité (portance) du troisième passage ne font pas pencher la balance vers ces pratiques.

Figure 1 : Efficacité des programmes prélevée puis postlevée 1-2 F puis début tallage (6 essais ray-grass 2016) – Prix d’ordre indicatif

En termes de phytotoxicité, les triples passages sont plus agressifs que les doubles. A éviter donc.
Figure 2 : Sélectivité des applications en trois applications sur ray-grass (prélevée puis 1-2 F puis 3 F-début tallage) (6 essais 2015-2016)

Lutte contre le vulpin : des programmes triples aux résultats variables

Sur blé : une efficacité limitée ou des coûts exorbitants…

Le fractionnement d’un programme en trois passages a été étudié dans un objectif de meilleur contrôle des levées échelonnées de vulpin durant l’automne. Tout comme sur ray-grass, une troisième application à base d’Othello a également été testée en soutient d’un programme double automne.

Le programme double automne Défi puis Fosburi + Matara a été divisé en trois applications avec Défi puis Fosburi puis Matara : une telle opération ne présente pas d’intérêt puisque l’efficacité baisse de 7 points.

Cette série d’essais confirme des résultats déjà observés : la multiplication des passages, avec des solutions à efficacité limitée (produits seuls), n’apporte rien sur l’efficacité. Il est donc préférable d’appliquer les produits dans les bonnes conditions afin d’en tirer le maximum d’efficacité, le plus tôt possible.

Appliqué seul, Othello montre des résultats en moyenne très proches des solutions racinaires classiques (Fosburi par exemple) avec 64 % d’efficacité. Cette moyenne cache cependant une grande disparité des réponses à ce produit avec des efficacités allant de 0 à plus de 95 %.

L’application complémentaire d’Othello, à une base de programme double automne, ne permet de gagner en moyenne que 7 points, avec un investissement rédhibitoire (208 €/ha…). Dans ces conditions, il est préférable de remettre en cause ces pratiques agronomiques plutôt que d’investir encore plus en herbicides.

Figure 3 : Efficacité des applications en 3 applications (prélevée puis 1-2 F puis 3 F-début tallage) (7 essais vulpin 2015-2016) – Prix d’ordre indicatif

En termes de phytotoxicité, l’application triple, issue du fractionnement, s’est montrée plus sélective que son homologue en double application. La culture est plus apte à détoxifier les produits appliqués en séquence qu’en apport « massif ».

En revanche, ce n’est pas le cas pour l’application triple avec Othello en complément. Cette modalité est plus agressive que le programme d’automne Matara + Prowl 400 puis Daiko + Fosburi + H. Ainsi, 14 jours après le traitement, l’apport d’Othello sur la base automne a engendré 0,5 point de plus en termes de phytotoxicité en moyenne. En sortie d’hiver et à l’épiaison, les symptômes se sont résorbés.
Figure 4 : Sélectivité des applications en 3 applications (prélevée puis 1-2 F puis 3 F-début tallage) (7 essais vulpin 2015-2016)

Ces applications sur trois passages, sont logiquement plus agressives et sont à réserver aux situations les plus dégradées. Il est également important de noter que ces dernières campagnes d’essais n’ont pas été marquées par des hivers très rigoureux, rendant ces applications plus « sélectives ». Ne pas hésiter à augmenter la densité de semis si des programmes d’automne sont envisagés, afin de palier toutes pertes de pieds. Il ne faut pas non plus hésiter à mettre tout en œuvre avant l’implantation de la culture pour limiter le nombre d’adventices.

Sur orge : pas de gain avéré

Comme en blé, ce type d’application peut trouver un intérêt, théorique, dans un meilleur contrôle des levées échelonnées de vulpin dans l’orge. D’un point de vue sélectivité, c’est extrêmement risqué, notamment si l’on rajoute une spécialité à un programme déjà robuste. De ce fait, les essais se sont focalisés sur des modalités avec dissociation de produits, déjà présents en mélange.

A partir d’un programme double automne Défi puis Fosburi + Matara, l’application de postlevée a été fractionnée en deux. Dans ce cas, le programme triple affiche un résultat sensiblement similaire à celui en deux passages. Il n’y a donc pas de gain à dissocier sur le plan de l’efficacité.
Figure 5 : Efficacité des applications en programme (prélevée puis postlevée 1-2 F puis 3 F de l’orge) (essai vulpin 2016 à Marandeuil) d = 300 à 400/m² – Prix d’ordre indicatif

En revanche, le gain est net sur la sélectivité (figure 6).

L’application fractionnée a moins d’impact en termes de phytotoxicité pour la culture qui a le temps de détoxifier l’herbicide appliqué avant de recevoir le suivant. Dans ce cas, la note s’élève à 0,3 après 14 jours, contre 4,2 pour le programme avec double application.
Figure 6 : Sélectivité note 1 des applications en programme (prélevée PUIS postlevée 1-2 F PUIS 3 F) à T+14 j (essai vulpin à Marandeuil)

Cela peut être une stratégie pour contrôler le vulpin, en limitant les risques pour la culture. Mais du fait d’un passage à trois reprises, il est possible de rencontrer des problèmes de faisabilité (jours disponibles) et d’augmenter les coûts en termes de charges de mécanisation.

Ludovic BONIN, Lise GAUTELLIER VIZIOZ (ARVALIS – Institut du végétal)

 

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