Pour faire face au déficit fourrager, l’ensilage de céréales immatures peut constituer une solution de secours. Comment les valoriser dans les rations des ruminants ? Existe-t-il un risque sanitaire à utiliser des céréales touchées par la fusariose ?
Quelle est la valeur alimentaire d’un ensilage de céréales immatures ?
Entre le stade de récolte préconisé (35 % de MS) et le stade le plus tardif compatible avec la conservation en vrac haché (50 % de MS), il s’écoule moins de 2 semaines. Pendant ce délai, le rendement en matière sèche et en UFL par hectare augmente rapidement : + 25 % d’UFL par hectare pour le blé et le triticale. La valeur énergétique de chaque kilo supplémentaire de céréale plante entière augmente elle aussi du fait de la place croissante prise par l’épi. La baisse de valeur énergétique des pailles, liée à la lignification, n’est pas très sensible aux stades de récolte de l’ensilage, elle se manifeste surtout dans les deux ou trois dernières semaines avant la maturité, pendant la phase de desséchement du grain.
La gamme de valeur énergétique des céréales immatures est bien expliquée par l’évolution de la proportion d’épis et de paille dans le fourrage récolté. Elles varient de 0,6 UFL par kg de MS pour un blé au stade laiteux-pâteux à 0,85 UFL par kg de MS pour un blé immature récolté à 50 % de MS.
Tableau 1 : Valeurs alimentaires (en kg de MS) de différents ensilages de céréales mesurées à Saint-Hilaire-en-Woëvre (55) en conditions normales entre 35 et 50 % de MS (1994 et 2004)
Comment valoriser les céréales immatures dans les rations ?
Lorsqu’il est récolté en dessous de 50 % de MS, cet ensilage permet de diminuer la teneur en amidon de la ration à base de maïs. Par exemple, au lieu de distribuer 1 kg de blé en complément de l’ensilage de maïs (15 kg de MS consommés), on peut associer la céréale immature au maïs dans la proportion 25/75. Pour une consommation de 4 kg de MS de céréales immatures, ce sont 3 à 4 kg de MS d’ensilage de maïs et 1 kg de blé d’économie… Comment est-ce possible ? La teneur en amidon de la ration baisse de 4 points, et l’énergie consommée par la vache est mieux digérée.
Dans le cas d’un ensilage récolté à plus de 50 % de MS, il convient de prendre les mêmes précautions que pour les rations à base de maïs fourrage : viser 23-24 % d’amidon dans la ration totale. L’ingestion et la production laitière auront alors tendance à légèrement diminuer avec l’incorporation de l’ensilage de céréales immatures en lien avec la teneur très élevée en cellulose de ces ensilages récoltés à un stade avancé.
Cet ensilage de céréales immatures peut aussi être distribué comme fourrage principal à des animaux à besoins plus faibles que ceux des vaches laitières, par exemple aux génisses d’élevage (à volonté) ou aux vaches taries (en rationnant), accompagné d’un complément azoté.
Les céréales immatures peuvent aussi se marier à l’ensilage d’herbe.
Le recours à une mélangeuse distributrice permet le mélange intime de l’ensilage de céréales immatures avec l’ensilage de maïs ou d’herbe et avec les concentrés. L’apport de fibres est régulier tout au long de la journée et les animaux ne peuvent pas trier à l’auge.
En raison des conditions de l’année, y a-t-il un risque sanitaire à ensiler des céréales touchées par la fusariose ?
Lorsque les céréales sont touchées par Fusarium graminearum, ce champignon peut produire des mycotoxines telles que le DON (Déoxynivalénol) ou la Zéaralénone. Réglementées pour les denrées destinées à la consommation humaine, ces toxines font également l’objet d’une recommandation pour les denrées destinées à l’alimentation animale. La recommandation Européenne 2006/576/CE du 17 juillet 2006 indique des seuils en µg/kg conseillés à ne pas dépasser dans un aliment à 12 % d’humidité en différenciant les aliments complets et les matières premières entrant dans la composition des aliments pour le DON, la zéaralénone, mais également les fumonisines* et l’ochratoxine A* (tableau 2). Tous les animaux ne présentant pas la même sensibilité aux différentes toxines, cette recommandation intègre donc ces différences de sensibilité.
Tableau 2 : Seuils (en µg/kg) à ne pas dépasser dans un aliment à 12 % d’humidité fixés dans la recommandation Européenne 2006/576/CE du 17 juillet 2006
Le respect de cette recommandation constitue un outil de prévention incontournable pour garantir la santé des élevages. Peu d’études ont été réalisées sur les effets de ces mycotoxines chez les ruminants. Cependant, l’ANSES précise que les ruminants semblent assez bien protégés contre ces mycotoxines, grâce à la présence du rumen et de l’écosystème microbien qui l’habite.
Sabine BATTEGAY, Alexis FERARD, Béatrice ORLANDO (ARVALIS – Institut du végétal)