Dans de nombreuses parcelles de céréales à paille, des symptômes de fusarioses sur épi sont suspectés. Comment assurer son diagnostic ? Quels impacts sur le rendement et la qualité de la récolte ? ARVALIS répond aux questions fréquentes remontées du terrain.
Les symptômes actuellement présents sur épi sont-ils dus à la fusariose ?
La plupart des symptômes présents actuellement sur les céréales (blé tendre, blé dur, orges) peuvent être attribués à la fusariose, mais pas seulement. Certains épis « noirs » sont porteurs de champignons saprophytes (Botrytis, Alternaria Cladosporium…) qui se développent sur des tissus morts suite à des problèmes de fertilité liés à un faible rayonnement par exemple. D’autres épis portent une coloration noire de la partie supérieure de la glume, notamment sur la variété Fructidor, qui rappelle les symptômes de black chaff .
A l’inverse, d’autres épis sont entièrement blancs et peuvent être dus au piétin verse, lorsqu’ils sont isolés, ou au piétin échaudage lorsqu’ils sont distribués en foyers.
Tout n’est donc pas imputable aux fusarioses de l’épi.
Quels sont les symptômes caractéristiques de la fusariose ?
Les symptômes sont très divers, comme les espèces de champignons qui peuvent les causer ! Ils peuvent aussi présenter des faciès différents selon leur stade de développement.
La présence d’un ou plusieurs épillets desséchés (comme échaudés) au sein d’un même épi est bien sûr le signe le plus caractéristique de la fusariose causée par Fusarium graminearum ouMicrodochium (M. majus et M. nivale). Actuellement, les épillets les plus atteints peuvent présenter une coloration rosée (rose saumon). Cette coloration est due à la sporulation des champignons. Elle localise généralement le point d’infection initial. Cette infection peut conduire à la colonisation des tissus vasculaires de l’épi puis à l’échaudage de tous les épillets situés au-dessus du point d’infection.
Les épillets situés en dessous sont contaminés par le champignon qui progresse d’épillet en épillet. Dans le cas de F. graminearum, la colonisation du système vasculaire peut conduire au noircissement du col de l’épi.
Y a-t-il une chronologie dans l’apparition des symptômes de fusarioses ?
Les premiers symptômes démarrent par une décoloration de la glumelle. Cette décoloration s’accompagne d’une auréole brun foncé très marquée. Ces symptômes ne sont visibles que si l’on prend le soin de décoller la glume de la glumelle. Extérieurement, seul parfois un liseret brun marquant la lisière de la glume et de la glumelle trahit la présence d’une infection. L’infection progresse ensuite au point d’insertion des pièces florales et à la base du grain et finit par provoquer l’échaudage de l’épillet. L’invasion des tissus vasculaires conduit à l’échaudage de l’épi et à l’infection des épillets voisins
Comment savoir si l’on a affaire à F. graminearum ou à Microdochium ?
La distinction sur la base des symptômes uniquement est difficile, voire impossible. Les analyses moléculaires réalisées sur la base de symptômes caractéristiques montrent qu’il n’y a pas de règle univoque. Ce n’est pas parce qu’un épillet est rose qu’il s’agit de F. graminearum, autrefois rattaché au groupe des Fusarium roseum. A l’inverse, une décoloration de la glumelle accompagnée d’un cerne brun ne désigne pas spécifiquement Microdochium spp. Par ailleursMicrodochium cohabite généralement avec F. graminearum et toutes les analyses sur grains pratiquées à la récolte montrent que des grains fusariés hébergent presque systématiquement les deux types d’espèces, parfois sur le même grain. L’identification visuelle reste donc délicate.
La présence de symptômes sur feuilles n’est-elle pas un indice de présence sur épi ?
Il est vrai que Microdochium spp. produit des symptômes caractéristiques sur feuille alors que F. graminearum n’en produit pas. La présence de symptômes de Microdochium sur feuille en abondance est donc probablement un bon indice de présence sur épi. Mais ce n’est certainement pas une règle absolue.
Le classement des variétés de blés selon leur sensibilité à la fusariose a-t-il été bouleversé par la forte pression de maladie de l’année ?
Les observations sur le terrain sont parfois en désaccord avec les classements variétaux connus. La pression de maladie peut certes jouer un rôle, mais elle ne peut pas être la seule cause. SY Moisson ou Oregrain par exemple peuvent paraître cette année plus sensible que la note de résistance 5 qui leur est attribuée. Non pas qu’elles aient été mal cotées, mais plutôt parce que cette note de résistance concerne sa résistance à l’accumulation de mycotoxines DON dans le grain. Or ces mycotoxines sont produites principalement par F. graminearum et F. culmorum. Vis-à-vis de Microdochium spp, les références en terme de résistance variétale sont moins nombreuses.
Pourquoi certains traitements supposés efficaces sur l’ensemble des fusarioses comme Prosaro apparaissent parfois décevant, même à forte dose ?
En première analyse, ce constat doit plutôt être attribué à la forte pression de maladie, mais aussi aux conditions difficiles d’intervention. Certains traitements ayant été réalisés très tardivement. Pour rappel, l’efficacité des traitements « fusariose » est relative. En cas de forte pression, le contrôle peut être insuffisant. Dans certains essais, il dépasse difficilement 50 %.
Sur le plan de la qualité sanitaire et technologique, à quoi faut-il s’attendre ?
A ce stade, ce qui est certain, c’est que la présence marquée de fusariose, dans les parcelles touchées, aura un impact sur le rendement bien sûr, mais aussi sur la qualité sanitaire et technologique. Mais, ce n’est pas le cas de tous les blés, les régions étant concernées diversement. Dans la plupart des cas, la fusariose s’accompagne d’une diminution du PMG et du PS. Par ailleurs, certains grains sont déjà tachés : le sillon et la base du grain ont pris une coloration noire, souvent due à Microdochium. Si cela ne présente qu’un inconvénient mineur sur blé tendre, cette coloration augmente le taux de moucheture et de grains colorés du germe sur blé dur.
Du côté de la qualité sanitaire, F. graminearum est potentiellement producteur de mycotoxines de type déoxynivalénol (DON) alors que Microdochium ne produit pas de mycotoxines.
Quelle est la tendance actuelle : Microdochium ou F. graminearum ?
Nous avons tendance à penser que Microdochium est très présent un peu partout au vu des symptômes caractéristiques et très abondants observés sur feuilles et au vu des températures fraîches qui ont marqué la fin mai et la première quinzaine de juin. Mais cela ne permet pas pour autant, ni d’espérer échapper à des infections par F. graminearum et ni d’espérer que le risque sur le plan des mycotoxines soit écarté. Il faudra attendre les premières analyses pour se faire une idée plus objective des teneurs.
Microdochium est-il moins nuisible que F. graminearum ?
Non, selon notre expérience en contamination artificielle, Microdochium est tout aussi nuisible que F. graminearum. Il peut engendrer des pertes qui dépassent 20 quintaux/ha. Néanmoins, à la différence de F. graminearum, il n’a pas d’impact sur la qualité sanitaire et ne produit pas de mycotoxines.
Jean Yves MAUFRAS, Claude MAUMENE, Romain VALADE (ARVALIS – Institut du végétal)